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Droit de suite : la justice européenne valide les particularismes nationaux.

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Les héritiers légaux et les légataires testamentaires de S. Dali se disputent le droit de suite des oeuvres du maître espagnol. La vente a lieu en France, où le droit applicable réserve le droit de suite aux seuls héritiers légaux, à l’exclusion des légataires. La Cour de justice valide ces particularismes nationaux.

Pour rappel, le droit de suite se définit, dans le domaine du droit d’auteur, comme le droit incessible et inaliénable de l’auteur d’une œuvre originale d’art graphique ou plastique à être intéressé économiquement aux reventes successives de l’œuvre concernée (voir le 1er considérant de la directive 2001/84 relative au droit de suite au profit de l’auteur d’une œuvre d’art originale).

Ce droit vise à assurer aux auteurs d’œuvres d’art graphiques et plastiques une participation économique au succès de leurs créations. Très concrètement, la loi veille donc à ce que l’auteur d’œuvres plastiques ou graphiques perçoive une quote-part du bénéfice réalisé lors de la revente d’une de ses œuvres.

La directive 2001/84 a fixé un cadre relativement précis dans lequel les législations des Etats membres doivent s’inscrire. Par exemple, bien que la Directive laisse les Etats membres libres de fixer le seuil minimal de prix de vente à partir duquel une vente est soumise au droit de suite, elle leur impose néanmoins de ne pas fixer un seuil supérieur à 3000€. Ceci implique que sur le territoire de l’Union, toutes les ventes supérieures à 3000€ donnent lieu à un droit de suite (sous réserve de certaines exceptions).

De la même manière, la directive impose aux Etats membres de prévoir la transmission du droit de suite aux ayants droit de l’auteur après la mort de celui-ci, mais laisse aux Etats membres la possibilité de prévoir ou non une gestion collective obligatoire ou facultative (via par exemple une société de gestion de droit telle par exemple la Société des Auteurs dans les Arts Graphiques ou Plastiques, l’ADAGP) du droit de suite dévolu à l’auteur et à ses ayant droit (article 6 §1 et 2 de la directive).

La décision rendue par la Cour de Justice répond à une question préjudicielle relative à l’interprétation de cet article 6, plus particulièrement sur la notion d’ayant droit.

En l’espèce, le litige opposait une fondation espagnole, légataire universelle des droits de propriété intellectuelle de Salvador Dali, la Fundacion Gala-Salvador Dali, et l’ADAGP. Cette dernière gérait pour le compte de son homologue espagnole, la VEGAP, les droits d’auteurs de feu Salvador Dali en France.

Des œuvres du maître catalan avaient été vendues aux enchères en France, à la suite de quoi l’ADAGP avait reversé le produit résultant du droit de suite perçu à cette occasion, aux héritiers de Salvador Dali, et non à la fondation espagnole légataire. Ceci était conforme au droit français, qui réserve le droit de suite aux seuls héritiers légaux, à l’exclusion des légataires. Par conséquent, la fondation espagnole était exclue du bénéfice de ce droit par le droit français. La directive n’ayant pas fait de distinction entre les différentes catégories d’ayant droit, le Tribunal de Grande Instance de Paris interrogea la Cour sur la validité de cette restriction.

Dans son arrêt, la Cour rappelle au préalable les deux objectifs de la directive 2001/84 :

  1. assurer un certain niveau de rémunération aux artistes, en rendant le droit de suite inaliénable et ne pouvant faire l’objet d’une renonciation ;
  2. harmoniser les législations pour ce qui concerne la vente d’œuvres concernées par le droit de suite.

De l’avis de la Cour, la réalisation du premier objectif (niveau de rémunération) ne s’avère nullement compromise par la dévolution du droit de suite à certaines catégories de sujets de droit à l’exclusion d’autres après le décès de l’artiste, dévolution qui revêt un caractère accessoire par rapport à cet objectif.

Elle rappelle également que, dans la réalisation du second objectif (harmonisation), conformément au principe de subsidiarité, le législateur de l’Union n’a pas jugé opportun d’intervenir dans le domaine du droit des successions des États membres, laissant ainsi à chacun le soin de définir les catégories de personnes susceptibles d’être qualifiées, dans leur droit national, d’ayants droit.

Par conséquent, la Cour a conclu que l’article 6, §1, de la directive 2001/84 devait être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à une disposition de droit interne qui réserve le bénéfice du droit de suite aux seuls héritiers légaux de l’artiste, à l’exclusion des légataires testamentaires.

Le régime français en la matière est donc validé.

Notons à titre complémentaire que la Cour a également jugé utile de préciser qu’il incombe à la juridiction de renvoi, aux fins de l’application de la disposition nationale transposant ledit article 6, §1, de tenir dûment compte de toutes les règles pertinentes visant à résoudre les conflits de lois en matière de dévolution successorale du droit de suite.

Autrement dit, le juge devra d’abord s’assurer de droit applicable à la situation en cause (lorsqu’elle contient un élément d’extranéité), puis ensuite vérifier quelle portée est donnée par ce droit à la notion d’ayant droit de l’auteur, lorsqu’il s’agit du droit de suite.

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