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Droit d’auteur et principe de non discrimination en raison de la nationalité : la CJCE désavoue la Cour de cassation

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Dans un arrêt du 30 juin 2005, la CJCE fait primer le principe de non-discrimination en raison de la nationalité (art. 12 Traité CE) sur l’article 2-7 de la Convention de Berne. La Cour de cassation française avait pourtant décidé du contraire dans un arrêt du 26 mars 2003. Cet arrêt de la CJCE concerne…

Dans un arrêt du 30 juin 2005, la CJCE fait primer le principe de non-discrimination en raison de la nationalité (art. 12 Traité CE) sur l’article 2-7 de la Convention de Berne. La Cour de cassation française avait pourtant décidé du contraire dans un arrêt du 26 mars 2003. Cet arrêt de la CJCE concerne les dessins et modèles lorsque demandeur recherche une protection sur le terrain du droit d’auteur. Pourtant, dans le cadre du choix de la loi applicable au droit d’auteur, cette solution pourrait s’appliquer plus largement.

La société italienne Tod’s poursuit devant les juridictions françaises la société Heybraud pour la contrefaçon d’un modèle de chaussures. Se pose alors la question de savoir à quelles conditions la société italienne peut poursuivre la société française.

Le mécanisme de l’article 2-7 de la Convention de Berne

En matière d’art appliqué, l’article 2-7 de la Convention de Berne impose l’application préalable de la loi du pays d’origine pour déterminer si l’œuvre est protégée dans le pays où la contrefaçon a lieu. Pour bien comprendre cette règle, il faut rappeler la question du choix de la protection entre le droit d’auteur et la loi spécifique aux dessins et modèles.

Pour mémoire, les législations nationales adoptent des solutions différentes quant à la protection des œuvres d’art appliqué :

  1. La première catégorie de textes opte pour un cumul entre législations spécifiques sur les dessins et modèles industriels et la législation sur le droit d’auteur. C’est le cas de la France où l’on estime qu’il est arbitraire de distinguer entre création artistique et art appliqué à l’industrie selon le principe de l’unité de l’art.
  2. Le deuxième type de législation, instaure une possibilité de cumul mais à des conditions restrictives. Par exemple, il faut que l’objet à protéger présente un caractère artistique.
  3. Enfin une troisième catégorie de législation, comme l’Italie, distingue entre l’art appliqué à l’industrie et les créations artistiques. Les domaines de protection étant clairement indépendants, il ne peut y avoir de cumul entre dessins et modèles et droit d’auteur.

Afin de ne pas désavantager les pays adoptant la solution du cumul vis-à-vis des pays adoptant des solutions contraires, l’article 2-7 de la Convention de Berne oblige à tenir compte de la protection ‘ in concreto ‘ de l’œuvre dans son pays d’origine.

Si le titulaire de droits bénéficie uniquement de la législation sur les dessins et modèles dans son pays d’origine, il peut seulement prétendre à ce type de législation dans le pays où la protection est réclamée. En l’espèce, la société Tod’s peut seulement revendiquer une protection sur le terrain des dessins et modèles dans son pays d’origine. A suivre la logique de l’article 2-7, seule la loi française spécifique sur les dessins et modèles peut alors s’appliquer. Mais en l’absence de dépôt français, cette société ne peut bénéficier de cette protection.

L’effet discriminatoire de l’article 2-7 de la Convention de Berne

Cette solution est discriminatoire puisqu’un français qui cherche une protection pour cette même paire de chaussures bénéficie du droit d’auteur ! Il n’a pas besoin de recourir à un dépôt à l’INPI.

La Cour d’appel de Colmar avait fait application de ce principe de non-discrimination en refusant d’appliquer la loi allemande, pays d’origine de l’œuvre, à la question de l’existence de la protection (Colmar, 1er ch., 10 août 1999). En réalité, l’application de la loi allemande aurait conduit à une absence de protection du titulaire étranger de droits sur le sol français. La Cour fait donc une application directe de la loi française pour éviter toute discrimination entre un allemand et un français.

Pourtant cet arrêt est cassé par la Cour de cassation dans un arrêt du 26 mars 2002 (n° de pourvoi 99-20251). La Haute Juridiction distingue entre ‘ définition ‘ et ‘ exercice ‘ du droit d’auteur. Elle refuse l’application de la jurisprudence communautaire Phil Collins (CJCE 20 octobre 1993, C-92/92) qui porte sur ‘ l’exercice ‘ du droit. En l’espèce, la question concerne ‘ la définition ‘ du droit. Elle estime qu’il ne peut y avoir discrimination car cette ‘ définition ‘ est neutre vis-à-vis de la nationalité des demandeurs… C’est ce raisonnement qui s’attache à la lettre du texte plutôt qu’à son esprit qui vient d’être remis en cause.

La reconnaissance du caractère discriminatoire d’un critère basé sur le pays d’origine de l’œuvre

Pour débuter son analyse, la CJCE rappelle que l’article 12 Traité CE interdit aussi les discriminations indirectes (point 19). Elle relève ensuite que le critère du pays d’origine de l’œuvre coïncide, le plus fréquemment, avec la nationalité de l’auteur (point 24).

Souvent un auteur publie pour la première fois dans son propre pays. Dans la majorité des cas, le pays d’origine de l’œuvre est déterminé selon le lieu de sa première publication (art. 5-4-a Convention de Berne). Et la Cour d’estimer que le mécanisme de l’article 2-7 joue avant tout contre les étrangers et favorise les Français. Ainsi le critère du pays d’origine de l’œuvre constitue une discrimination indirecte.

Cependant, cette discrimination peut être justifiée par des raisons objectives. La France a tenté de démontrer le caractère objectif de la règle. Formellement, l’article 2-7 permet de déterminer le type de législation applicable, à savoir le choix entre dessins et modèles ou droit d’auteur. C’est la question de la qualification artistique de l’œuvre qui doit être tranchée. Mais la C.J.C.E n’a pas été convaincue. Elle répond par une analyse qui se détache de la lettre du texte pour en souligner les enjeux.

L’article 2-7 de la Convention est une règle permettant d’assurer la réciprocité de traitement pour les arts appliqués. De manière prosaïque, on peut résumer le principe comme suit : ‘ je te protège chez moi si tu me protèges chez toi ‘.

La Cour rappelle alors que l’application du droit communautaire ne peut être conditionné par un principe de réciprocité (arrêt du 30 septembre 2003, Colegio de Oficiales de la Marina Mercante Espanola, C-405-04). Dès lors la Cour conclut de la manière suivante :

L’article 12 CE, qui établit le principe général de non-discrimination en raison de la nationalité, doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à ce que la recevabilité d’un auteur à réclamer dans un État membre la protection du droit d’auteur accordée par la législation de cet État soit subordonnée à un critère de distinction fondé sur le pays d’origine de l’œuvre.

L’enjeu de l’arrêt : Une application générale de la solution ?

Cet arrêt ne manquera pas de susciter de multiples développements car la loi du pays d’origine de l’œuvre n’est pas réservée à l’article 2-7 de la Convention de Berne. Une partie de la jurisprudence française renvoie à cette dernière loi pour les questions relatives à l’existence de la protection en dehors du cas spécifique des dessins et modèles. Ainsi une œuvre étrangère sera protégée en France selon la loi française, si au préalable, l’auteur démontre l’existence d’une protection selon sa loi d’origine.

De même la question de la titularité initiale des droits patrimoniaux sur l’œuvre est aussi soumise à la loi du pays d’origine (Cass. 1er civ., 7 avril 1998, affaire Saab-Scania ; C. Cass. Civ. 1er ch., 20 mars 2001, Sté Films sans frontières c./ Mme Eva Riehl,).

Dans plusieurs hypothèses, ce choix de la loi du pays d’origine produit des effets identiques, à savoir une non-protection de l’étranger sur le sol français. Au total, le principe de non-discrimination en raison de la nationalité risque de trouver une nouvelle vigueur dans les prétoires …

Plus d’infos ?

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