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Déposer une marque n’est pas un acte banal : la CJUE le rappelle sévèrement

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Les produits ou services doivent être identifiés par le demandeur avec suffisamment de clarté et de précision pour permettre aux autorités compétentes et aux opérateurs économiques, sur cette seule base, de déterminer l’étendue de la protection conférée par la marque. Les mots importants sont : « sur cette seule base ».

Les apparences sont souvent trompeuses : il est aisé d’enregistrer une marque en ligne. En quelques minutes, l’affaire est dans le sac.

Pourtant, contrairement aux apparences, déposer une marque n’est pas un acte banal :

  • Par le dépôt, le titulaire acquiert une protection.
  • Par le dépôt, le titulaire restreint la protection au territoire choisi et aux produits ou services décrits.

En l’état actuel du droit des marques, le dépôt est donc ni plus ni moins (1) la condition sine qua non de la protection et (2) le périmètre de la protection.

Décrire le produit ou le service : étape essentielle

En pratique, on constate un déficit de qualité énorme dans la description du produit ou du service.

Paradoxalement, le problème découle indirectement d’une tentative, louable, d’améliorer la qualité de l’enregistrement en créant des « classes ».

Au niveau international, le droit des marques est régi par la convention de Paris pour la protection de la propriété industrielle. Cette convention a servi de base pour l’adoption de l’arrangement de Nice  concernant  la  classification  internationale  des  produits  et  des  services  aux  fins  de l’enregistrement  des  marques. 

La  classification  de  Nice  contient,  depuis  le  1 er  janvier  2002,  34 classes de produits et 11 classes de services. Chaque classe est désignée par une ou plusieurs indications  générales,  appelées  communément  « intitulé  de  classe »,  qui  indiquent  de  manière générale les domaines dont relèvent, en principe, les produits ou les services de cette classe. La liste alphabétique des produits et des services comporte environ 12 000 entrées.

La paresse de l’être humain étant ce qu’elle est, de plus en plus de déposants cochent simplement la classe dans laquelle se trouve le produit ou le service qui les intéresse, oubliant que l’enregistrement circonscrit véritablement la protection sollicitée.

Cela donne parfois des résultats surprenants : celui qui coche simplement la classe 12 met dans le même sac les voitures, les avions, les charrettes de golf, les poussettes d’enfants, les sirènes d’alarme de voiture et les boyaux des roues de vélo.

L’affaire CIPA

Comme souvent, les cordonniers sont les plus mal chaussés si l’on en croit l’affaire CIPA récemment jugée par la CJUE. 

Le 16 octobre 2009, le Chartered Institute of Patent Attorneys (« CIPA ») a introduit une demande d’enregistrement  de  la  dénomination  « IP  TRANSLATOR »  en  tant  que  marque  nationale.  Pour identifier les services concernés par cet enregistrement, le CIPA a utilisé les termes généraux de l’intitulé d’une classe de la classification de Nice, à savoir « Éducation ; formation ; divertissement ; activités sportives et culturelles ». 

Par  décision  du  12  février  2010,  le  Registrar  of  Trade  Marks  (autorité  compétente  en  matière d’enregistrement  des  marques  au  Royaume-Uni)  a  rejeté  cette  demande  sur  la  base  des dispositions nationales transposant la directive sur les marques. En effet, le Registrar a interprété la demande, de façon globale, conformément à une communication de l’OHMI. Il a conclu qu’elle couvrait  non  seulement  des  services  du  type  précisé  par  le  CIPA,  mais  également  tout  autre service relevant de cette classe de la classification de Nice, y compris les services de traduction.

Dès  lors,  pour  ces  derniers  services,  la  dénomination  « IP  TRANSLATOR »,  d’une  part,  serait dépourvue  de  caractère  distinctif  et,  d’autre  part,  aurait  un  caractère  descriptif.  En  outre,  il n’existerait pas de preuve que le signe verbal « IP TRANSLATOR » ait acquis, avant la date de la demande d’enregistrement, un caractère distinctif par l’usage en ce qui concerne les services de traduction. Le CIPA n’aurait pas non plus demandé que ces services soient exclus de sa demande d’enregistrement de la marque.  

Le CIPA a fait appel de cette décision en soutenant que sa demande d’enregistrement n’indiquait pas  et  donc  ne  couvrait  pas  les  services  de  traduction.  Pour  cette  raison,  les  objections  à l’enregistrement formulées par le Registrar seraient erronées et la demande de  CIPA aurait été rejetée à tort. 

La  High  Court  of  Justice  (Royaume-Uni),  saisie  du  litige,  interroge  la  Cour  de  justice  sur  les exigences requises de clarté et de précision pour l’identification des produits et des services pour lesquels est demandée la protection par la marque et sur la possibilité d’utiliser, à cette fin, des indications générales des intitulés de classes de la classification de Nice. 

L’arrêt de la CJUE

Par son arrêt de ce jour, la Cour souligne en premier lieu que la directive sur les marques doit être interprétée en ce sens qu’elle exige que les produits ou les services pour lesquels la protection par la  marque  est  demandée  soient  identifiés  par  le  demandeur  avec  suffisamment  de  clarté  et  de précision  pour  permettre  aux  autorités  compétentes  et  aux  opérateurs  économiques,  sur  cette seule base, de déterminer l’étendue de la protection conférée par la marque. 

Les mots importants sont : « sur cette seule base ».

En effet, d’une part, les autorités compétentes doivent connaître avec suffisamment de clarté et de précision les produits ou les services visés par une marque afin d’être en mesure de remplir leurs obligations relatives à l’examen préalable des demandes d’enregistrement ainsi qu’à la publication et  au  maintien  d’un  registre  approprié  et  précis  des  marques.  D’autre  part,  les  opérateurs économiques doivent pouvoir s’assurer avec clarté et précision des enregistrements effectués ou des demandes d’enregistrement formulées par leurs concurrents actuels ou potentiels et bénéficier ainsi d’informations pertinentes concernant les droits des tiers. 

En  deuxième  lieu,  la  Cour  juge  que  la  directive  ne  s’oppose  pas  à  l’utilisation  des  indications générales des intitulés de classes de la classification de Nice, afin d’identifier les produits et les services pour lesquels la protection par la marque est demandée. Pourtant, une telle identification doit  être  suffisamment  claire  et  précise  pour  permettre  aux  autorités  compétentes  et  aux opérateurs économiques de déterminer l’étendue de la protection demandée. Dans ce contexte, la Cour  relève  que  certaines  des  indications  générales  figurant  aux  intitulés  de  classes  de  la classification de Nice sont, en elles-mêmes, suffisamment claires et précises, alors que d’autres sont trop générales et recouvrent des produits ou des services trop variés pour être compatibles avec  la  fonction  d’origine  de  la  marque.  Dès  lors,  il  appartient  aux  autorités  compétentes d’effectuer une appréciation au cas par cas, en fonction des produits ou des services pour lesquels le demandeur sollicite la protection conférée par la marque, afin de déterminer si ces indications satisfont aux exigences de clarté et de précision requises. 

Enfin, la Cour précise que le demandeur d’une marque nationale qui utilise toutes les indications générales  de  l’intitulé  d’une  classe  particulière  de  la  classification  de  Nice  pour  identifier  les produits ou les services pour lesquels la protection de la marque est demandée doit préciser si sa demande vise l’ensemble des produits ou des services répertoriés dans la liste alphabétique de cette classe ou seulement certains de ces produits ou services. Au cas où la demande porterait uniquement sur certains produits ou services, le demandeur est obligé de préciser quels produits ou services relevant de cette classe sont visés.  Ainsi, il appartient à la juridiction de renvoi de déterminer si le CIPA, lorsqu’il a utilisé toutes les indications  générales  de  l’intitulé  d’une  classe  de  la  classification  de  Nice,  a  précisé  dans  sa demande si elle couvrait ou non l’ensemble des services de cette classe et, en particulier, si sa demande visait ou non les services de traduction. 

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