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Dénomination sociale et nom de domaine : la cour d’appel met les pendules à l’heure

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Par son arrêt du 4 décembre 1998, la cour d’appel de Paris a réformé l’ordonnance rendue en référé le 12 mars 1998 par le TGI de Paris. En l’absence d’éléments pouvant établir une usurpation fautive de la dénomination sociale, la cour a confirmé que l’attribution des noms de domaine se fait selon la règle aujourd’hui…

Par son arrêt du 4 décembre 1998, la cour d’appel de Paris a réformé l’ordonnance rendue en référé le 12 mars 1998 par le TGI de Paris.

En l’absence d’éléments pouvant établir une usurpation fautive de la dénomination sociale, la cour a confirmé que l’attribution des noms de domaine se fait selon la règle aujourd’hui bien établie du « premier venu, premier servi ».

Les faits

La SNC ALICE, société de droit français, a été constituée le 26 janvier 1934. Elle a pour objet « toutes affaires de publicité ». Elle a déposé la marque ALICE le 6 juin 1975 à l’INPI sous le n° 192.296, pour désigner tous services et activités d’une agence de publicité (classe 35). Le dépôt a été renouvelé les 4 juin 1985 et 18 mai 1995.

La SA ALICE, également une société de droit français, a quant à elle été constituée le 16 octobre 1996. Elle a pour activités l’édition de logiciels. En vertu d’un dépôt effectué le 18 janvier 1996 à l’INPI sous le numéro 96 606 338, elle est titulaire de la marque ALICE D’ISOFT, pour désigner principalement des appareils pour le traitement de l’information et les ordinateurs, transmission d’informations contenues dans des banques de données, services de conception assistée par ordinateur, services télématiques, programmation pour ordinateur, logiciels informatiques, progiciels, logiciels d’acquisition de connaissance pour système experts, logiciels de segmentation …  » ;

La SA ALICE a sollicité le 19 décembre 1996 l’attribution du nom de domaine « alice.fr » auprès du NIC France. Ce nom lui a été accordé par l’organisme, après avoir vérifié conformément à la charte de nommage que ce nom correspond à sa dénomination sociale et qu’il était libre.

Les arguments en présence

Revendiquant l’utilisation antérieure de la dénomination sociale, la SNC ALICE avait demandé – et obtenu – en référé la radiation de l’enregistrement du nom de domaine effectué par la SA ALICE.

La SNC ALICE argumentait que la thèse de l’antériorité sur Internet ne saurait permettre à une société récente de déposséder une autre plus ancienne de sa dénomination sociale qui l’individualise dans l’ensemble de son existence et de ses activités, alors qu’elle jouit d’un véritable droit de propriété sur ce nom.

L’arrêt de la cour d’appel

La cour commence par rappeler que l’attribution des noms de domaine de la zone « .fr » par le NIC France a lieu sous deux conditions, remplies en l’espèce :

Considérant qu’il est établi et non contesté par les parties que les règles suivies par NIC FRANCE pour attribuer un nom de domaine correspondant à celui d’une dénomination sociale sont d’une part exiger de la société concernée la communication d’un extrait K BIS ainsi que son numéro SIRET et d’autre part que le nom n’ait pas encore été attribué ; que ces conditions étant réunies, l’attribution est accordée à la première société qui en fait la demande.

Le juge d’appel constate que la SNC ALICE peut certes revendiquer une utilisation antérieure de la dénomination sociale, mais que cela n’implique pas automatiquement un droit à bénéficier du nom de domaine correspondant. La radiation demandée ne saurait dès lors être ordonnée que s’il y avait une usurpation fautive de la dénomination :

Considérant que si la SNC ALICE peut revendiquer indéniablement une utilisation antérieure de la dénomination sociale ALICE, il ne peut en être déduit pour autant de manière évidente une usurpation fautive de celle-ci par la SA ALICE, alors qu’il s’agit d’un prénom commun et qu’en raison des activités totalemetn différentes des deux sociétés, il ne peut y avoir de confusion dans l’esprit du public;

Considérant ainsi qu’en l’absence de fraude aux droits de la SNC ALICE suffisamment démontrée, l’attribution sur le réseau INTERNET du nom de domaine alice.fr à la SA ALICE qui en a formé la première demande, n’apparaît pas constitutive d’un trouble manifestement illicite.

Commentaire

Nous avons déjà dit et écrit que l’attribution des noms de domaine répond à des règles propres, mais qu’elle est aussi encadrée par le droit des sociétés, les pratiques du commerce et la propriété intellectuelle. Il n’y a donc pas d’impunité au profit des squatters de noms de domaine.

Cela étant, tous les moyens juridiques envisagés ont un point commun : ils accordent une protection à une personne précise, dont la situation est replacée dans son environnement « socio-juridico-économique ».

Cette interaction permanente entre le droit protégé et l’environnement se révèle très bien dans les conditions d’applications des divers régimes envisagés :

  • Le droit des marques suit les règles de spécialité et de territorialité : d’une part la marque ne reçoit protection que dans le territoire pour lequel elle a fait l’objet d’un dépôt ou d’un enregistrement, et d’autre part cette protection ne s’étend qu’aux produits et services pour lesquels la marque a été déposée.

  • Le droit des sociétés empêche l’attribution de dénominations identiques qui peuvent induire en erreur.

  • Les pratiques du commerce sont basées sur le risque de confusion.

  • L’article 8 du Traité d’Union de Paris accorde une protection particulière au titulaire d’un nom commercial en lui procurant un titre de propriété industrielle, ce qui n’exclut pas que la protection nationale n’est accordée qu’en cas de danger de confusion (Cass. (3e ch.), 21 juin 1993, Jur. Fond., 1993, n° 15, p. 3).

En faisant droit à la demande de la SNC ALICE, le premier juge avait à tort universalisé la protection de la dénomination, avec pour conséquence qu’il la détachait complètement de son environnement : indépendamment de toute considération pour le risque de confusion, il accordait un droit de préférence sur le nom de domaine correspondant, au profit de la société première créée.

Cette ordonnance entrainaît au moins deux conséquences dangereuses : d’une part elle niait une règle fondamentale d’attribution des noms de domaine, et d’autre part elle créait une insécurité juridique terrible (à chaque instant celui qui crée un site web est à la merci de la décision d’une société antérieurement créée sous la même dénomination mais commercialisant des produits différents).

La cour d’appel a confirmé intégralement le droit de la demanderesse sur sa dénomination sociale, mais elle a ensuite constaté que la protection qui en découle ne trouvait pas à s’appliquer en l’espèce dans la mesure ou il n’y a aucun risque de confusion.

L’arrêt confirme donc l’application des principes traditionnels (Internet n’est pas un no man’s land juridique) ; il valide ensuite les principes constants d’attribution (dont la règle du « premier venu, premier servi ») ; il affirme enfin la compatibilité entre ces principes traditionnels et les règles d’attribution. Les règles coexistent et ne se contredisent pas. L’arrêt doit être approuvé.

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