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Définir les « pratiques commerciales déloyales » pour mieux les interdire.

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Dans un arrêt récent du 16 avril 2015, la Cour de justice de l’Union européenne confirme l’acception large de la notion de « pratique commerciale déloyale » et son application à l’information erronée donnée à un seul abonné par un fournisseur de service de télévision par câble. Cet arrêt est l’occasion de rappeler l’interdiction des pratiques commerciales déloyales à l’égard des consommateurs et l’importance de ces règles dans le secteur IT.

Le litige qui a donné lieu à l’arrêt de la Cour de justice du 16 avril 2015 (aff. C-388/13, Nemzeti Fogyasztóvédelmi Hatóság, EU:C:2015:225) oppose un consommateur à UPC, un fournisseur de services de télévision par câble. Le premier souhaite résilier son abonnement ; plus précisément, il veut que la résiliation prenne effet le dernier jour de la période de facturation annuelle en cours. Aussi se renseigne-t-il auprès de son prestataire. Il apparaît cependant que l’information fournie était erronée, ce qui s’est traduit par l’obligation, pour le consommateur, de payer une somme supplémentaire.

Les enseignements de l’arrêt en matière de pratiques commerciales déloyales 

Le consommateur considère qu’il a été victime d’une pratique commerciale trompeuse de la part du professionnel.

On rappelle que la matière est régie par la directive 2005/29/CE relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs, transposée en droit belge aux articles VI.92 et suivants du Code de droit économique (et aux art. XIV.59 et s. du même Code pour les personnes exerçant une profession libérale).

Cette qualification est contestée par UPC dans la mesure où il s’agirait d’une erreur administrative isolée, n’affectant qu’un seul abonné, et ayant trait à une information disponible par ailleurs (le consommateur aurait donc pu se procurer l’information exacte). Ces arguments ne sont pas retenus par la Cour, qui confirme ainsi l’acception large qui doit être donnée à la notion de « pratique commerciale ».

Elle juge en effet qu’il s’agit d’une pratique commerciale trompeuse par action, interdite par l’article 6 (1) de la directive 2005/29/CE sur les pratiques commerciales déloyales (art. VI.97 du CDE). Elle se caractérise, à l’aune des éléments de fait, « par la circonstance qu’un consommateur a reçu, de la part d’un professionnel et à la suite de sa demande aux fins de faire usage de son droit de résiliation d’un contrat de services conclu avec celui-ci, une information erronée concernant la durée de la relation liant les deux parties et par le fait que l’erreur commise par l’entreprise a empêché le particulier de faire un choix en toute connaissance de cause et lui a, au demeurant, causé des dépenses supplémentaires » (point 40 de l’arrêt). Plus précisément, elle écarte les arguments d’UPC, suivant lesquels l’agissement du professionnel ne s’est produit qu’une seule fois et n’a affecté qu’un seul consommateur, qu’elle juge sans pertinence (points 41 et s. de l’arrêt). Elle ne retient pas non plus les circonstances suivant lesquelles l’agissement ne serait pas intentionnel, le consommateur ne subirait pas de préjudice réel, le coût supplémentaire imposé au consommateur serait négligeable ou le consommateur aurait pu se procurer, par lui-même, l’information correcte.

On voit donc qu’au nom de l’objectif de protection du consommateur, partie faible au rapport contractuel avec le professionnel (notamment en raison de son manque d’information), les dispositions de la directive 2005/29/CE doivent être interprétées largement.

Rappel du régime 

Toute entreprise, spécialement dans le secteur IT, sera attentive au respect de ces dispositions.

Les éléments-clés du régime sont les suivants.

La notion de « pratique commerciale » est définie largement à l’article I.8, 23°, du CDE comme « toute action, omission, conduite, démarche ou communication commerciale, y compris la publicité et le marketing, de la part d’une entreprise, en relation directe avec la promotion, la vente ou la fourniture d’un produit ».

Aux termes de l’article VI.95 du CDE, « les pratiques commerciales déloyales des entreprises à l’égard des consommateurs sont interdites ».
Pour établir si une pratique commerciale est déloyale et, partant, interdite, un test de loyauté en trois étapes doit être réalisé.

Il faut d’abord vérifier si la pratique entre dans la liste des 31 pratiques commerciales déloyales en toutes circonstances, en raison de leur caractère trompeur (art. VI.100 CDE) ou agressif (art. VI.103 CDE). 

Si la pratique ne figure pas dans la liste des pratiques commerciales déloyales en toutes circonstances, elle peut être jugée déloyale suivant la norme semi-générale, en raison de son caractère trompeur (art. VI.97-VI.99) ou agressif (art. VI.101-VI.102). On note que, contrairement au mécanisme des articles VI.100 et VI.103, le juge dispose d’un réel pouvoir d’appréciation pour décider si les conditions sont réunies et interdire la pratique en conséquence. S’agissant par exemple des pratiques trompeuses par action (art. VI.97 du CDE), deux conditions doivent ainsi être satisfaites : outre l’existence d’informations fausses ou qui induisent (ou sont susceptibles d’induire) en erreur le consommateur moyen (même si les informations sont factuellement correctes) il faut établir que la pratique amène ou est susceptible d’amener le consommateur moyen à prendre une décision commerciale qu’il n’aurait pas prise autrement.

Si la pratique commerciale ne figure pas dans la liste des 31 pratiques déloyales en toutes circonstances et ne peut être réputée trompeuse ou agressive suivant les critères établis aux articles VI.97-VI.99 ou VI.101-VI.102 (normes semi-générales), il convient de se référer, à titre résiduel, à la norme générale de l’article VI.93 du CDE. Deux conditions se dégagent de cette disposition : pour être déloyale, la pratique doit d’abord être contraire aux exigences de la diligence professionnelle ; il est également requis que la pratique commerciale « altère ou [soit] susceptible d’altérer de manière substantielle le comportement économique du consommateur moyen qu’elle touche ou auquel elle s’adresse, ou si elle s’adresse à un groupe de consommateurs déterminé, le comportement économique du membre moyen de ce groupe, par rapport au produit concerné ».

En pratique, on constate que, dans la majorité des cas, ces dispositions ne sont pas invoquées par un consommateur mais par une entreprise qui se plaint d’un acte de concurrence déloyale et introduit une action en cessation commerciale devant le président du tribunal de commerce. Dans le domaine IT, on trouve ainsi des décisions en matière de télécom (publicité comparative pour les offres « triple play »), de spamming ou de vente en ligne.

D’autres sanctions existent cependant. La violation de l’interdiction des pratiques commerciales déloyales est en effet punie pénalement (art. XV.83, 13°, qui mentionne les articles VI.95, VI.100 et VI.103 du Code) ; en pratique, les décisions des juridictions correctionnelles sont plus rares mais elles existent (sans compter les avertissements et les transactions émanant de la DGCM). On peut encore mentionner la sanction civile spécifique de l’article VI.38 du Code de droit économique, particulièrement favorable au consommateur mais qui, à notre connaissance, n’a jamais fait l’objet de décision de jurisprudence. Elle permet au consommateur qui a conclu un contrat à la suite d’une pratique commerciale déloyale de demander le remboursement du montant payé, tout en conservant le bien. Sauf exception, cette mesure exige l’intervention d’un juge ce qui, vu les montants en jeu dans les litiges de consommation, explique sans doute le succès très faible de la sanction.

En définitive, les entreprises doivent rester très attentives et se garder de toute pratique commerciale déloyale à l’égard des consommateurs, étant entendu que, conformément à l’arrêt précité du 16 avril 2015, une acception large doit être donnée à la notion : même un acte isolé à l’égard d’un seul consommateur peut donner lieu à l’application du régime. A titre préventif, l’existence potentielle d’une telle pratique doit donc être analysée par les entreprises avant de lancer une nouvelle campagne publicitaire ou, plus globalement, de mettre en place leur stratégie commerciale.

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