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Daily Motion pérennise son business model en décidant de rémunérer certains ayants droits

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Dans un contexte de lutte contre la piraterie en ligne, Dailymotion, qui a conclu des accords avec différentes sociétés de gestion collective françaises pour rémunérer certains ayants droits semble vouloir solidifier son business model, pour éviter la multiplication des actions de « notice and take down » fondées sur la LCEN, et se conformer aux accords Olivennes, accord interprofessionnel base du projet de loi Hadopi, validé par le Sénat et prochainement discuté à l’Assemblée Nationale.

Le 7 janvier 2009, un communiqué de presse annonçait la conclusion d’un accord entre Daily Motion et la SAIF, la société qui gère collectivement les droits des auteurs visuels (notamment les auteurs de bd, les architectes, les photographes…) pour la rémunération des auteurs des œuvres de son répertoire mises en ligne sur le premier site mondial indépendant de partage de vidéos, emblématique du web participatif, ou 2.0 (38 millions de visiteurs uniques).

Cet accord faisait suite à un premier accord signé le 15 septembre 2008 avec la SACD, la SCAM et l’ADAGP (lesquelles gèrent respectivement : les droits des auteurs de spectacle vivant, de fiction cinématographique et audiovisuelle ; ceux des auteurs de documentaires, reportages, magazines, entretiens, écrivains, traducteurs, journalistes, vidéastes, photographes ; ceux des auteurs des arts graphiques et plastiques).

Le 3 décembre dernier, un second accord était conclu avec la SACEM, société de gestion collective des droits d’auteurs de la musique.

Ces accords concernent l’ensemble des différents vidéos mises en lignes sur Daily Motion (OfficialContent, placé par des professionnels à des fins de promotion (Maisons de disques, studios et sociétés de production, médias, chaînes de télévision, fédérations sportives, partis politiques), Creative Content et User Generated Content, vidéos postées par les utilisateurs) dont les auteurs sont représentés par l’un des signataires, et valent pour le monde entier.

Les rémunérations sont assises sur les recettes publicitaires générées par le site.

Daily Motion ayant accepté de faire rétroagir les accords à la date de sa création, leur durée courra à compter du 1er janvier 2006 (et jusqu’en fin 2010 s’agissant de l’accord SACEM).

Daily Motion a désormais un accord, au moins pour un temps, avec toutes les sociétés d’auteurs françaises pour leur catalogue. Les auteurs qui en font partie ne pourront dès lors s’opposer à leur mise en ligne sur dailymotion, en tout cas sur le fondement de leurs droits patrimoniaux.

Reste à se rapprocher des titulaires de droits voisins du droit d’auteur (producteurs, artistes-interprètes, entreprises de communication audiovisuelle), qui disposent également dans certaines conditions d’un droit d’interdire la mise en ligne de contenu.

Si un premier pas a été effectué vis-à-vis des producteurs indépendants de musique – un contrat avec la SPPF, l’une des sociétés de gestion collective des droits voisins des producteurs de musique, portant sur son catalogue (6000 vidéos seraient concernées), a été signé en décembre 2006 (http://www.journaldunet.com/0612/061226-dailymotion.shtml) – il reste beaucoup à faire.

Par ailleurs, le droit moral, incessible et inaliénable, n’est pas concerné.

Ces différents accords interviennent à quelques encablures seulement des débats, annoncés houleux, sur le projet de loi « Création et Internet » à l’Assemblée Nationale (pour une présentation du projet, voir la conférence Ulys :http://www.ulys.net/site/conf_detail.asp?id=357) , qui repose sur un accord interprofessionnel préalable entre les pouvoirs publics, et les principaux acteurs des sites participatifs, des industries culturelles et des ayants droits : les accords dits « Olivennes » ou de « l’Elysée » du 23 novembre 2007.

Les plates-formes d’hébergement et de partage de contenus s’y étaient engagées à « collaborer de bonne foi avec les ayants droit, sans préjudice de la conclusion des accords nécessaires à une utilisation licite des contenus protégés, pour :
– généraliser à court terme les techniques efficaces de reconnaissance de contenus et de filtrage en déterminant notamment avec eux les technologies d’empreinte recevables, en parallèle aux catalogues de sources d’empreinte que les ayants droit doivent aider à constituer ;
– définir les conditions dans lesquelles ces techniques seront systématiquement mises en œuvre
».

Avant la conclusion de ces accords, Dailymotion, par l’intermédiaire de son fondateur, Benjamin Bejbaum, avait justement annoncé la mise en place de technologies de « fingerprinting », pour détecter et empêcher la mise en ligne de vidéos protégées par les droit d’auteur et droits voisins (Le procédé analyse la bande son des vidéos et la compare à des empreintes conservées dans une base de données fournie par les ayants droits eux-mêmes), également l’un des engagements pris par les acteurs du marché dans les accords Olivennes.

La Ministre française de la Culture, Christine Albanel, a rapidement communiqué sa satisfaction après l’accord SACEM, soulignant la « démarche coopérative engagée par Dailymotion et la Sacem, qui vise à assurer la rémunération des auteurs, des compositeurs et des éditeurs de musique tout en favorisant la diffusion de leurs œuvres sur les nouveaux services du Web 2.0 », ajoutant que « Le réseau des conventions passées entre les prestataires techniques de l’Internet – hébergeurs et fournisseurs d’accès notamment – et les différentes catégories d’ayants droit doit se densifier rapidement, de façon à garantir à tous les acteurs de la Culture et de l’Internet la sécurité juridique et la juste rémunération également nécessaires à la mise en place de modèles économiques innovants, fondés sur le numérique ».

Daily Motion, dont le statut de simple hébergeur (et donc de responsabilité limitée au retrait du contenu) a été confirmé à plusieurs reprises cette année par le TGI de Paris (Dans les affaires Lafesse et Omar et Fred, le 15 avril 2008, et dans une ordonnance de référé du 19 novembre 2008, disponibles sur www.legalis.net), ne sera toutefois pas à l’abri de toute action en justice : les ayants droits non signataires pourront toujours engager des actions de « notice and take down » sur le fondement de l’article 6.I de la LCEN, sans compter les actions fondées sur le droit moral des signataires.

Il résulte d’ailleurs de l’ordonnance de référé précitée du 19 novembre 2008 que lorsqu’une décision de justice lui a enjoint de retirer un contenu illicite, Daily Motion (et tout site participatif) peut voir sa responsabilité engagée automatiquement si le même contenu est réintroduit par un utilisateur sur le site, sans qu’il soit nécessaire aux demandeurs de réengager une procédure formelle fondée sur une mise en demeure respectant la LCEN.

Une obligation de surveillance, dont on dit qu’elle est ciblée (et non générale et donc interdite par la directive commerce électronique et la LCEN), lui est ainsi de facto imposée à propos du contenu en question, et ce quels que soient les moyens techniques dont il dispose pour y faire face.

Cette jurisprudence, qui reste à confirmer, et dont la portée doit être encore précisée (elle semble devoir a priori concerner également l’hypothèse d’un contenu posté par un autre utilisateur sur un autre format, d’une durée moindre – par exemple deux vidéos du même film, voire de la même séquence de film -) pourrait inciter les prestataires techniques, conformément aux accords Olivennes, à s’équiper en dispositifs de « fingerprinting » ou « watermarking », dès lors indispensables à la gestion de cette obligation dite de « stay down » (par opposition au « notice and take down » qui fait référence à la mise en demeure prévues à l’origine à l’article 6 I de la LCEN).

Enfin, pour revenir aux différents accords conclus, l’incertitude règne toujours sur le montant des rémunérations, assises sur la publicité, qui seront versées.

Pour mémoire, les sommes versés par le célèbre Deezer, qui a également conclu un accord avec la SACEM, ont été les 6 premiers mois dérisoires, seuls quelques centimes revenant in fine aux ayants droits (le taux négocié était de 8 % des recettes publicitaires du site).

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