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Crowdfunding : le règlement européen va-t-il aussi régir les ICOs (Initial Coin Offering) ?

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Le projet de Règlement européen relatif aux prestataires de services de financement participatif pour les entreprises (« crowdfunding ») est en discussion depuis un certain temps. Objectif : faciliter le financement participatif. Lors de son récent passage au Parlement européen, le texte a fait l’objet d’amendements qui semblent indiquer la volonté de profiter de l’occasion pour réglementer au passage les ICO’s.

Dans le cadre de son objectif prioritaire de créer une Union des Marchés de Capitaux (« UMC »), la Commission européenne a récemment pris l’initiative de rédiger un projet de Règlement européen relatif aux prestataires de services de financement participatif pour les entreprises (« crowdfunding »).

La Commission part d’un double constat. D’une part, les prêts bancaires demeurent la principale source de financements externes pour les PME, créant une dépendance excessive à l’égard des établissements de crédit dont les coûts ne sont pas négligeables. D’autre part, les banques ont considérablement réduit le volume de crédits accordés aux entreprises depuis la crise financière de 2008 et l’accès au financement devient de plus en plus difficile pour les start-up, notamment dans leur phase de démarrage. Le manque de fonds est donc devenu la principale cause de leur faillite.

L’objectif de la Commission est donc de faciliter le développement des services de financement participatif sur le marché intérieur pour en faire une véritable alternative aux prêts bancaires, et ainsi, d’améliorer l’accès au financement des entrepreneurs, des start-up, des entreprises non cotées et des PME en général.

De manière assez inattendue, le Parlement européen en a profité pour proposer des amendements englobant les ICO’s.

Petit tour d’horizon de ce texte très prometteur.

Agrément unique pour les plateformes de financement participatif

La fragmentation actuelle du cadre juridique des Etats-membres, qui va de l’absence de règlementation à l’application de dispositions strictes existantes (MIFID II, DSP, AIFMD), entraine d’importants coûts de conformité légale pour les prestataires de services de financement participatif, sans proportion avec la taille de leur investissement. C’est le principal frein à l’extension de leurs activités à l’échelle de l’Union.

Cette différence de réglementation crée également une distorsion de concurrence entre Etats membres.

A cet égard, la proposition de Règlement prévoit la mise en place d’un agrément unique et optionnel :

  • Unique car elle permettrait aux prestataires de fournir des services de financement participatif dans tous les Etats-membres sous passeport unique ;
  • Optionnel car elle ne remplacerait pas les règles nationales existantes sur le financement participatif, le prestataire pouvant choisir de commencer ou de continuer à fournir des services en vertu de la législation nationale applicable ou de demander un agrément pour la prestation de services de financement participatif dans le cadre du Règlement.

Cet agrément unique, dont les conditions d’obtention sont énumérées à l’article 10, serait délivré par l’Autorité Européenne des Marchés Financiers (« AEMF »). L’AEMF serait, de fait, l’autorité de surveillance des prestataires de services de financement participatif et dotée d’un pouvoir de demande d’informations (article 22), d’un pouvoir de contrôle (enquêtes générales, article 23 ; inspections sur place, article 24), d’un pouvoir de sanctions administratives (amendes, article 28 et astreintes, article 29) ainsi que du pouvoir de retrait de l’agrément (article 13).

Protection des investisseurs et transparence

Le Règlement vise également à assurer aux investisseurs l’information nécessaire concernant le financement participatif, et notamment les risques sous-jacents inhérents au financement d’entreprises en phase de démarrage. Les réponses des consultations publiques de la Commission ont fait ressortir que les investisseurs souffraient trop souvent du manque de disponibilité ou de la mauvaise qualité de l’information. La proposition de Règlement y consacre plusieurs articles. Le porteur du projet de financement devra établir une fiche d’informations clés sur l’investissement. Néanmoins, il reviendrait aux prestataires de veiller à ce que cette fiche soit complète, claire et à jour durant toute la durée de l’offre de financement (article 16). Les investisseurs pourraient également accéder jusqu’à 5 années après à tous les enregistrements relatifs aux services et transactions qui les concernent.

Les services de financement participatif étant soumis à l’ensemble des risques liés au blanchiment de capitaux et au financement du terrorisme (« LCB-FT »), des garanties devraient être prévues, comme la vérification d’honorabilité des dirigeants et le recours à des entités agréés pour la fourniture de services de paiement. La Commission s’interroge également sur l’opportunité de soumettre les prestataires à l’obligation de conformité avec les législations nationales transposant la 4ème Directive anti-blanchiment (Directive (UE) 2015/849 du Parlement Européen et du Conseil du 20 mai 2015 relative à la prévention de l’utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux ou du financement du terrorisme. Cela signifie concrètement que l’ICO sera soumise à la publication d’un prospectus mentionnant un certain nombre d’informations ainsi qu’à l’agrément du régulateur national concerné. L’on parle souvent dans ce cas de STO’s (Security token offering).

Proposition du Parlement d’intégrer au champ du Règlement les offres initiales de jetons

Les Initial Coin Offerings (« ICOs ») constituent un excellent moyen de financement pour les start-up du domaine des technologies. Les investisseurs s’exposent néanmoins à des risques de marché, de cyber sécurité, de fraude et d’abus de marché alors qu’il n’existe que très peu de pays ayant crée un cadre réglementaire.

Le Parlement européen estime que le Règlement précité peut constituer une première étape importante vers la mise en place de normes relatives aux ICOs et propose à ce titre d’inclure dans les services de financement participatif l’intermédiation entre, d’une part, une entité qui émet des jetons dans le cadre d’une ICO et, d’autre part, des investisseurs (amendement 36).

Il convient de saluer la démarche des députés qui s’inscrit dans l’objectif de favoriser la protection des investisseurs et de créer des conditions favorables au développement de ces nouvelles méthodes de financement.

Difficile pour autant de comprendre les 4 amendements apportés au Règlement. Les députés souhaitent autoriser la levée de capitaux en crypto-monnaies par l’intermédiaire des plateformes de prestataires de services de financement participatif (amendement 6). Le Parlement vise les ICOs ayant recourt à une contrepartie, sans préciser s’il s’agit d’un utility token ou d’un security token.

Or, dans l’hypothèse d’un security token, c’est-à-dire d’un token dont le sous-jacent est un titre financier au sens du droit européen, l’opération ne sera pas juridiquement différente d’une levée de fonds traditionnelle, que celle-ci soit soumise à la Directive Prospectus (Directive 2003/71/CE du 4 novembre 2003 concernant le prospectus à publier en cas d’offre au public de valeurs mobilières ou en vue de l’admission de valeurs mobilières à la négociation) ou au futur règlement « crowdfunding (en-dessous du seuil de 8.000.000 d’euros), sauf éventuellement à fixer quelques règles en matière de cyber-sécurité propre à la détention par la plateforme de « jetons » pour le compte de tiers.

Les amendements ne seraient pas plus justifiés si le Parlement visait les utility tokens, conférant un droit d’usage sur les futurs produits ou services vendus. Outre l’incohérence conceptuelle (soumettre des actifs non financiers à une réglementation visant des titres financiers), le Règlement risquerait alors d’être contreproductif en procédant à l’exclusion des ICOs qui prévoiraient une levée de fonds supérieure à 8.000.000 d’euros (puisque n’étant pas des titres financiers, les utility tokens échappent à la Directive Prospectus). En d’autres termes, une ICO de plus de 8.000.000 d’euros échapperait aux dispositions protectrices des investisseurs prévues par le Règlement, tandis qu’une ICO d’un montant inférieur y serait soumise.

Même si la démarche est louable, il nous parait préférable de garantir la protection des investisseurs à travers un instrument européen exclusivement consacré aux ICOs et par définition plus adapté. La réflexion est d’ailleurs déjà en cours tant au niveau  de l’ AEMF que de la Commission européenne (notamment au sein de l’Observatoire européen de la blockchain).

Plus d’infos ?

En lisant la résilution du parlement européen, adoptée le 3/10/2018, disponible en annexe.

Droit & Technologies

Annexes

Résolution du parlement européen

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