Contrôle du temps de travail des salariés dans l’entreprise : la biométrie recalée
Publié le 05/06/2005 par ALAIN CURTET
Les technologies évoluent rapidement et permettent pour certaines d’entre elles de mieux en mieux contrôler l’activité des salariés ! Mais ce n’est pas parce qu’elles existent et qu’elles sont facilement mises en place, que l’utilisation de ces nouvelles technologies est forcément légale. Ainsi, le TGI de Paris vient de refuser la mise en place d’un…
Les technologies évoluent rapidement et permettent pour certaines d’entre elles de mieux en mieux contrôler l’activité des salariés ! Mais ce n’est pas parce qu’elles existent et qu’elles sont facilement mises en place, que l’utilisation de ces nouvelles technologies est forcément légale. Ainsi, le TGI de Paris vient de refuser la mise en place d’un système de contrôle biométrique par empreintes digitales en raison de la disproportion entre ledit système et le but recherché, à savoir contrôler le temps de travail des salariés.
Le Jugement du TGI PARIS
En l’espèce, EFFIA SERVICES, prestataire de services pour la SNCF (assurant la gestion des bagages et l’assistance des passagers à mobilité réduite, ainsi que l’accueil des voyageurs de l’Eurostar), souhaitait mettre en place d’un système de contrôle des horaires de travail de ses salariés, grâce à un badge personnel et aux empreintes digitales des salariés.
Invoquant une atteinte aux libertés individuelles des membres du personnel, le Comité d’Entreprise, appuyé par le Syndicat SUD Rail, a saisi le Tribunal de Grande Instance de Paris.
Dans son jugement du 14 avril 2005, ce tribunal rappelle que l’empreinte digitale n’est pas une donnée comme les autres puisqu’elle « permet d’identifier les traits physiques spécifiques qui sont uniques et permanents pour chaque individu ».
Néanmoins, l’utilisation d’une telle donnée « qui met en cause le corps humain et porte atteinte aux libertés individuelles peut cependant se justifier lorsqu’elle a une finalité sécuritaire ou protectrice de l’activité exercée dans les locaux identifiés ».
En l’espèce, « l’objectif poursuivi (à savoir le contrôle des horaires de travail) n’est pas de nature à justifier la constitution d’une base de données d’empreintes digitales des personnels […], le traitement pris dans son ensemble n’apparaissant ni adapté ni proportionné au but recherché ».
C’est pourquoi, sur le fondement de l’article L. 120-2 du code du travail, la mise en place d’une pointeuse biométrique pour contrôler le temps de présence des salariés a été interdite puisque jugée inadaptée et disproportionnée au but recherché.
Quels enseignements en tirer ?
Il faut bien comprendre que ce n’est pas le recours lui-même à système biométrique de contrôle des horaires des salariés qui est déclaré illégal ; ce sont seulement les circonstances de fait et les justifications données pour recourir à un tel système de contrôle qui n’étaient pas suffisamment décisives au regard de la nature de la tâche à accomplir par les salariés ni proportionnées au but recherché.
En soi, la motivation de cette décision n’est absolument pas surprenante.
En effet, il convient de rappeler qu’avant la mise en œuvre de n’importe quel type de dispositif de surveillance permettant de contrôler l’activité des salariés d’une entreprise, l’employeur est tenu d’informer non seulement son personnel mais également le comité d’entreprise ou, à défaut, le(s) délégué(s) du personnel (articles L. 120-2, L. 121-8 et L. 432-2-1 du Code du Travail).
Outre cette information préalable obligatoire, la mise en œuvre d’un tel système doit être proportionnée au but recherché. A défaut, l’employeur ne pourrait valablement exercer son pouvoir disciplinaire à l’encontre d’un salarié en utilisant à titre de preuve du comportement fautif dudit salarié les preuves obtenues par un système ne respectant pas le principe de proportionnalité.
A ce propos, il faut aussi rappeler que les fichiers non déclarés à la CNIL provenant de l’utilisation d’un système de pointage ne peuvent être utilisés par un employeur à titre de preuve pour justifier le licenciement d’un salarié (Cass.soc.6 avril 2004, n°01-45227, Sté Allied signal industrial Fibers SA c/X, à propos d’un système de badges).
Dès lors, quand bien même la mise en place d’une pointeuse biométrique serait jugée adaptée et proportionnée au but recherché par rapport à l’activité d’une société donnée, faut-il encore obligatoirement pensé à déclaré auprès de la CNIL les données contenues dans les fichiers résultant de la mise en place et de l’exploitation d’un tel système.
A défaut, l’absence de déclaration préalable du traitement automatisé de données personnelles a pour effet de rendre irrecevables les informations qui en sont issues et qui ne peuvent donc servir de preuve dans une instance sociale.
La décision rendue par le TGI de PARIS est conforme à l’interprétation de la CNIL laquelle avait estimé que seul un impératif particulier de sécurité pouvait autoriser le recours à un dispositif de reconnaissance des empreintes pour contrôler le temps de travail du personnel hospitalier (délibération n°04-018 du 8 avril 2004). En revanche, la Banque de France avait quant à elle été autorisée par la CNIL en 1997 déjà à mettre en place par d’un dispositif de reconnaissance par empreintes digitales pour l’accès à des zones hautement sécurisées.
En pratique, le recours à un lecteur d’empreintes digitales des salariés pour contrôler leur temps de présence dans l’entreprise est manifestement disproportionné puisque des systèmes moins attentatoires à la liberté individuelle des salariés (badges, cartes magnétiques d’accès, …) peuvent permettre d’atteindre le but recherché en l’espèce.
En revanche, la mise en place le système de « badgeage » par empreintes digitales pourrait être admise pour des raisons de sécurité dans sites protégées en raison de l’activité à protéger (service de RD, …) et/ou de la dangerosité du site (nucléaire, biologique, … ).
Plus d’infos ?
En prenant connaissance de la décision commentée, disponible sur notre site.
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