Contrefaçon : l’Europe veut mieux coordonner les poursuites et harmoniser les sanctions pénales
Publié le 25/09/2005 par Etienne Wery
La commission européenne souhaite faire adopter une nouvelle directive en matière de propriété intellectuelle, dans le but d’harmoniser les aspects pénaux de la lutte contre la contrefaçon. La commission estime que les disparités dans les régimes nationaux de sanction, outre qu’elles sont nuisibles au bon fonctionnement du marché intérieur, rendent difficile une lutte efficace contre…
La commission européenne souhaite faire adopter une nouvelle directive en matière de propriété intellectuelle, dans le but d’harmoniser les aspects pénaux de la lutte contre la contrefaçon. La commission estime que les disparités dans les régimes nationaux de sanction, outre qu’elles sont nuisibles au bon fonctionnement du marché intérieur, rendent difficile une lutte efficace contre la contrefaçon et la piraterie.
En matière d’harmonisation, un premier pas important a été franchi lors de l’adoption de la directive 2004/48 relative au respect des droits de propriété intellectuelle. Cette première directive concerne les mesures, procédures et réparations nécessaires pour assurer le respect des droits de propriété intellectuelle.
Mais, même en matière pénale, un début d’harmonisation a vu le jour avec l’entrée en vigueur de l’accord sur les ADPIC qui prévoit des dispositions minimales en ce qui concerne les moyens pour faire respecter les droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce. Ces moyens comprennent la mise en œuvre de procédures pénales et de sanctions pénales.
Malgré ce premier pas, la commission estime que la situation juridique dans la Communauté laisse encore apparaître de grandes disparités, qui ne permettent pas aux titulaires de droits de propriété intellectuelle de bénéficier d’un niveau de protection équivalent partout sur le territoire de la Communauté.
Analyse de la proposition de directive
L’article premier précise le champ d’application de la directive : il énonce que celle-ci « établit les mesures pénales nécessaires pour assurer le respect des droits de propriété intellectuelle ».
On se rappellera que la directive 2004/48 avait pris soin de préciser que l’expression « droits de propriété intellectuelle » inclut les droits de propriété industrielle. La proposition actuelle ne répète pas cette précision, mais l’exposé des motifs renvoie à la directive 2004/48 pour ce qui concerne le champ d’application. Il semble raisonnable d’en déduire que les droits de propriété industrielle sont également couverts.
La directive imposants états membres de qualifier d’infraction pénale toute atteinte intentionnelle à un droit de propriété intellectuelle commise à une échelle commerciale, ainsi que la tentative d’une telle atteinte, la complicité et l’incitation à une telle atteinte.
Le périmètre de l’infraction est donc limité par la condition d’une atteinte intentionnelle commise à une échelle commerciale ; il est par contre élargi à la tentative la complicité et l’incitation.
Au niveau des sanctions, la directive impose aux états de prévoir des peines privatives de liberté pour les personnes physiques.
Pour les personnes morales, des peines spécifiques doivent être prévues ; celles-ci sont de deux ordres : d’une part des amendes, et d’autre part, la confiscation de l’objet, des instruments et des produits provenant des infractions ou des biens dont la valeur correspond à ces produits. La directive prend soin de définir ce que l’on entend par une personne morale : « toute entité juridique ayant ce statut en vertu du droit national applicable, à l’exception des Etats et de tout autre organisme public agissant dans le cadre de l’exercice de leur prérogative de puissance publique, ainsi que les organisations internationales publiques ».
Outre ces sanctions de base, des peines accessoires doivent être prévues en droit national. Ces mesures complémentaires sont les suivantes :
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la destruction des biens portant atteinte au droit de propriété intellectuelle ;
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la fermeture totale ou partielle, définitive ou temporaire, de l’établissement ayant principalement servi à commettre l’atteinte en cause ;
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l’interdiction permanente ou temporaire d’exercice d’activités commerciales ;
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le placement sous contrôle judiciaire;
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la dissolution judiciaire ;
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l’interdiction d’accès à l’aide et aux subventions publiques ;
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la publication des décisions judiciaires.
Parallèlement à la proposition de directive, le conseil européen propose l’adoption d’une décision cadre précisant les peines pour éviter des distorsions trop importantes entre les états membres. On y lit notamment, concernant l’harmonisation des peines :
1. Les Etats membres prennent les mesures nécessaires pour s’assurer que les personnes physiques responsables des infractions visées à l’article 3 de la directive …./…/CE soient punissables d’une peine maximale d’au moins 4 ans d’emprisonnement, lorsque ces infractions ont été commises dans le cadre d’une organisation criminelle au sens de la décision cadre… sur la lutte contre la criminalité organisée ainsi que lorsque ces infractions entraînent un risque pour la santé ou la sécurité de personnes.
2. Les Etats membres prennent les mesures nécessaires pour s’assurer que les personnes physiques ou morales responsables des infractions visées à l’article 3 de la directive …./…/CE soient passibles de sanctions effectives, proportionnées et dissuasives. Ces sanctions comprennent des amendes pénales ou non pénales :
a) d’un maximum d’au moins 100 000 euros pour les cas autres que les cas les plus graves ;
b) d’un maximum d’au moins 300 000 euros pour les cas mentionnés au paragraphe 1
3. Les paragraphes 1 et 2 sont sans préjudice de l’application de peines plus graves, notamment en cas de risque de mort ou d’infirmité.
La proposition de décision cadre règle également les hypothèses, particulièrement nombreuses, est une infraction qui concerne plusieurs états membres. Elle créée un double régime :
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Le premier critère de compétences est, sans surprise, la territorialité. Chaque Etat membre veille à ce que sa compétence couvre au moins les cas dans lesquels une infraction visée dans le projet de directive a été commise, en tout ou en partie, sur son territoire.
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Lorsque l’infraction concerne plusieurs états membres, ceux-ci doivent coopérer pour décider lequel d’entre eux poursuivra les auteurs de l’infraction « avec pour objectif de centraliser, si possible, les poursuites dans un seul Etat membre ». La décision cadre prévoit explicitement que les états peuvent requérir l’est de Eurojust.
Mais dans ce cas, comment les états arriveront-ils à se mettre d’accord sur celui qui poursuivra l’infraction ? Laisser chaque État fixer ses propres règles aurait eu pour effet de condamnés à mort le système. Pour cette raison, la proposition de décision cadre fixe un centre nombre de critères. Les états devront prendre en compte, successivement :
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l’Etat membre sur le territoire duquel les faits ont été commis ;
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l’Etat membre dont l’auteur est un ressortissant ou un résident ;
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l’Etat membre sur le territoire la personne morale pour le compte de laquelle l’infraction a été commise a son siège social ;
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l’Etat membre sur le territoire duquel la victime est domiciliée ou a son siège social ;
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l’Etat membre sur le territoire duquel l’auteur a été trouvé.
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Plus d’informations ?
En prenant connaissance de la proposition de directive et de la proposition de décision cadre, disponibles sur notre site.