Le consentement pour le traitement donné dans un pays de l’Union, vaut pour les autres pays
Publié le 29/03/2017 par Etienne Wery
Le consentement d’un abonné téléphonique à la publication de ses données, donné dans un pays donné, couvre également l’utilisation de celles-ci dans un autre État membre. L’harmonisation du cadre réglementaire en la matière est telle, que la protection assurée dans l’ensemble de l’Union garantit le même respect des exigences en matière de protection des données.
Les faits
La société belge European Directory Assistance (EDA) offre des services de renseignements téléphoniques et d’annuaire accessibles depuis le territoire belge.
La société s’est rendue célèbre en étant une des premières à publier, à l’époque, des cédéroms d’abonnés téléphoniques. Elle a ensuite trouvé un joli relai de croissance en identifiant le marché de la communauté étrangère établie en Belgique. Quand un étranger souhaitait trouver les coordonnées d’un ami ou d’un membre de la famille en Pologne ou au Maroc, il avait tendance à passer par un opérateur dans le pays concerné. Lourd et couteux. C’est ce modèle que la société a fait voler en éclats en obtenant de plusieurs opérateurs étrangers, les données de leurs abonnés.
EDA a donc demandé aux entreprises qui attribuent des numéros de téléphone à des abonnés aux Pays-Bas (à savoir Tele2, Ziggo et Vodafone Libertel) de mettre à sa disposition les données relatives à leurs abonnés, invoquant à cet égard une obligation prévue dans la législation néerlandaise, qui est elle-même une transposition de la directive européenne relative au « service universel ».
Estimant qu’elles n’étaient pas tenues de fournir les données en question à une entreprise établie dans un autre État membre, ces entreprises ont refusé de fournir les données demandées.
La loi sur la protection des données personnelles n’est, en l’espèce, que l’alibi. L’enjeu derrière est évidemment le marché des renseignements téléphoniques. Les opérateurs néerlandais n’ont aucune envie que les Belges qui cherchent un numéro aux Pays-Bas trouvent satisfaction dans leur propre pays, sans passer par eux.
Les questions posées
Saisi du litige, le College van Beroep voor het bedrijfsleven (cour d’appel du contentieux administratif en matière économique, Pays-Bas) a soumis des questions préjudicielles à la Cour de justice. Outre la question de savoir si une entreprise est tenue de mettre les données relatives à ses abonnés à la disposition d’un fournisseur de services de renseignements téléphoniques et d’annuaire établi dans un autre État membre, cette juridiction souhaite savoir, dans l’affirmative, s’il convient de laisser aux abonnés le choix de donner ou non leur consentement en fonction des pays dans lesquels l’entreprise qui demande ces données fournit ses services. À cet égard, la juridiction néerlandaise demande comment le respect du principe de non-discrimination et la protection de la vie privée doivent être mis en balance.
L’arrêt rendu
Première question
Dans son arrêt du 15 mars 2017 (aff. C-536/15), la Cour déclare, en réponse à la première question, que la directive « service universel », couvre également toute demande faite par une entreprise établie dans un État membre autre que celui dans lequel les entreprises qui attribuent des numéros de téléphone à des abonnés sont établies.
En effet, il ressort du libellé même de l’article 25, par. 2, de la directive que celui-ci vise toutes les demandes raisonnables de mise à disposition aux fins de la fourniture de services de renseignements téléphoniques accessibles au public et d’annuaire. En outre, cet article impose que la mise à disposition soit faite à des conditions non discriminatoires.
Cet article ne fait donc aucune distinction selon que la demande est formulée par une entreprise établie dans le même État membre que celui dans lequel est établie l’entreprise à laquelle cette demande est adressée ou dans un autre État membre. Cette absence de distinction est conforme à l’objectif poursuivi par la directive, qui vise, notamment, à assurer la disponibilité, dans toute l’Union, de services de bonne qualité accessibles au public grâce à une concurrence et à un choix effectifs.
En outre, le refus de mettre les données relatives à des abonnés à la disposition des demandeurs au seul motif qu’ils seraient établis dans un autre État membre serait incompatible avec le principe de non-discrimination.
Seconde question : le consentement
S’agissant de la question de savoir s’il convient de laisser aux abonnés le choix de donner ou non leur consentement en fonction des pays dans lesquels l’entreprise qui demande les données fournit ses services, la Cour se réfère à sa jurisprudence antérieure (Deutsche Telecom, C-543/09) : dès lors qu’un abonné a été informé par l’entreprise lui ayant attribué un numéro de téléphone de la possibilité que ses données à caractère personnel soient transmises à une entreprise tierce en vue de leur publication dans un annuaire public et qu’il a consenti à cette publication, l’abonné en question ne doit pas de nouveau consentir à la transmission de ces mêmes données à une autre entreprise, s’il est garanti que les données concernées ne seront pas utilisées à des fins autres que celles pour lesquelles elles ont été collectées en vue de leur première publication.
En effet, dans ces conditions, la transmission de ces mêmes données à une autre entreprise visant à publier un annuaire public sans qu’un nouveau consentement ait été donné par cet abonné ne porte pas atteinte à la substance même du droit à la protection des données à caractère personnel, tel que reconnu par la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.
Par ailleurs, la Cour constate que, quel que soit son lieu d’établissement dans l’Union, l’entreprise qui fournit un service de renseignements téléphoniques accessibles au public et d’annuaire opère dans un cadre réglementaire largement harmonisé permettant d’assurer dans l’ensemble de l’Union le même respect des exigences en matière de protection des données à caractère personnel des abonnés.
Par conséquent, il n’y a pas lieu pour l’entreprise qui attribue des numéros de téléphone à ses abonnés de formuler la demande de consentement adressée à l’abonné de sorte que celui-ci exprime ce consentement de manière distincte selon l’État membre vers lequel les données le concernant peuvent être transmises.