Condamné pour viol … commis via Internet
Publié le 25/09/2018 par Etienne Wery
Le fait d’obtenir d’un mineur qu’il se masturbe devant une webcam avec pénétration, est constitutif de viol même si l’auteur n’est pas physiquement aux côtés de la victime lors de l’acte. Pour la première fois, un tribunal belge condamne sur la base du viol (avec des peines nettement supérieures) un comportement jadis réprimé essentiellement via l’attentat à la pudeur.
Les faits
Un homme avait obtenu d’adolescentes avec qui il était en contact via webcams, de se livrer à des actes sexuels (masturbation avec pénétration).
Ce 25 septembre, le Tribunal correctionnel de Bruxelles a, pour la première fois, appliqué à ce comportement la disposition applicable au viol, estimant que le crime était constitué même si l’auteur n’était pas physiquement en présence de la jeune fille.
La définition du viol
En droit belge, c’est l’article 375 du Code pénal qui règle la matière :
« Tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit et par quelque moyen que ce soit, commis sur une personne qui n’y consent pas, constitue le crime de viol.
Il n’y a pas consentement notamment lorsque l’acte a été imposé par violence, contrainte, menace, surprise ou ruse, ou a été rendu possible en raison d’une infirmité ou d’une déficience physique ou mentale de la victime.
Quiconque aura commis le crime de viol sera puni de réclusion de cinq ans à dix ans.
Si le crime a été commis sur la personne d’un mineur âgé de plus de seize ans accomplis, le coupable sera puni de la peine de la réclusion de dix à quinze ans.
Si le crime a été commis sur la personne d’un enfant âgé de plus de quatorze ans accomplis et de moins de seize ans accomplis, le coupable sera puni de la peine de la réclusion de quinze à vingt ans.
Est réputé viol à l’aide de violences tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit et par quelque moyen que ce soit, commis sur la personne d’un enfant qui n’a pas atteint l’âge de quatorze ans accomplis. Dans ce cas, la peine sera la réclusion de quinze à vingt ans.
Elle sera de la réclusion de vingt ans à trente ans si l’enfant était âgé de moins de dix ans accomplis. »
La jurisprudence
L’infraction de viol repose sur deux éléments :
- un acte de pénétration sexuelle ;
- l’absence de consentement de la victime.
L’acte de pénétration est interprété au sens large (« tout acte de pénétration, de quelque nature qu’il soit et par quelque moyen que ce soit »), du moment qu’il est de nature sexuelle.
Quant à l’absence de consentement, il y a des hypothèses dans lesquelles la loi présume l’absence de consentement (violence, contrainte, ruse ou en raison de l’état de la victime).
Le législateur assimile à la violence (et donc l’absence de consentement) l’acte « commis sur la personne d’un enfant qui n’a pas atteint l’âge de quatorze ans accomplis ».
Le jugement rendu
Jusqu’à présent, les comportements sexuels délictueux « à distance » (on pense essentiellement aux webcams) étaient poursuivis sur des bases juridiques différentes (essentiellement l’attentat à la pudeur).
Pour la première fois, un tribunal a condamné pour viol.
C’est l’interprétation de l’alinéa 1er de la loi qui a servi de base légale : le fait de punir « tout acte de pénétration sexuelle (…) commis sur une personne qui n’y consent pas » a autorisé le juge à conclure que l’absence de contact physique lors de l’acte n’était pas un élément incompatible avec la définition légale, du moment qu’il est établi que : (i) il y a eu pénétration et (ii) celle-ci n’était pas consentie (en l’occurrence vu l’âge de la victime).
Que l’acte même ait été réalisé par la victime incitée, forcée ou manipulée « à distance » afin d’adopter ce comportement, suffit.
C’est un nouveau front juridique qui s’ouvre dans les dossiers de grooming (« Le grooming désigne la stratégie de sollicitation d’un mineur par un adulte, qui s’efforce d’affaiblir la résistance et les inhibitions du jeune à des fins sexuelles. Après avoir gagné sa confiance, le groomer demande d’envoyer des photos de lui (partiellement) nu et s’en sert ensuite pour tenter de le manipuler et de l’abuser sexuellement. L’abus sexuel peut aussi bien se dérouler en ligne (via une webcam, une session de chat, un mail…) que hors ligne (lors d’une rencontre réelle) » voir childfocus).
(A noter que la décision est susceptible d’appel.)