Condamné à 100.000 euros pour avoir offert en téléchargement des fichiers musicaux …
Publié le 07/11/2004 par Etienne Wery
La musique en ligne donne lieu à une multiplication des procès ; paradoxalement on peut s’en réjouir car des balises prennent tout doucement forme. Après la saga judiciaire ayant opposé l’industrie de la musique aux éditeurs de logiciel peer-to-peer, ce sont les utilisateurs qui font l’objet de soins judiciaires attentifs. Retour sur quelques décisions récentes…
La musique en ligne donne lieu à une multiplication des procès ; paradoxalement on peut s’en réjouir car des balises prennent tout doucement forme. Après la saga judiciaire ayant opposé l’industrie de la musique aux éditeurs de logiciel peer-to-peer, ce sont les utilisateurs qui font l’objet de soins judiciaires attentifs. Retour sur quelques décisions récentes qui tracent des pistes de solution …
« Seulement » télécharger est un jeu dangereux mais pas nécessairement illégal
Le peer-to-peer, système d’échange direct de fichiers entre internautes, popularisé par Napster, puis par Kazaa, connaît un développement sans précédent depuis deux ans. En France, l’on estime à 8 millions le nombre d’utilisateurs occasionnels et à 750 000 le nombre d’utilisateurs réguliers de logiciels peer-to-peer.
Lors de l’installation, l’utilisateur peut choisir entre un mode passif (il se limite à télécharger à partir d’un autre PC connecté à l’internet) ou actif (il permet aussi aux autres personnes connectées de puiser dans son PC).
Qu’en est-il s’il se limite au seul téléchargement, sans autoriser le partage (mode passif) ?
L’on entend souvent que cet acte est protégé par l’exception de copie privée.
Cette disposition tient en échec le droit de l’auteur et des ayants-droit lorsque l’œuvre licitement publiée est reproduite pour l’usage personnel du copiste.
Un premier se problème se pose d’emblée car souvent, dans les échanges peer-to-peer, la copie privée est prise d’un original qui n’a pas été publié licitement … Le second problème qui saute aux yeux consiste à savoir si l’usage a bel et bien été réservé à l’usage privé du copiste. Comme toujours un dossier n’est pas l’autre et tout est affaire de faits.
Une récente décision française a appliqué ces principes et conduit à un acquittement.
Les faits sont simples. En février 20003, à l’occasion d’une perquisition opérée au domicile du prévenu, les enquêteurs découvrent 488 CD ROM gravés reproduisant autant de films. Interrogé, le prévenu explique qu’il s’agit de films et de dessins animés qu’il avait en partie téléchargé sur internet via son ordinateur pour un tiers, le reste ayant été copié sur des CD ROM prêtés par des amis. Très important, il insiste sur le fait que ces CD étaient destinés à un usage personnel même s’il lui était arrivé de regarder des films avec deux ou trois copains.
Le juge acquitte :
L’article L. 122-5 du Code de la Propriété Intellectuelle stipule que l’auteur ne peut interdire “les copies ou reproductions strictement réservés à l’usage privé du copiste”.
Ce texte est une application de l’article 9 de la convention de BERNE qui indique « est réservée aux législations des pays de l’UNION, la faculté de permettre la reproduction desdites oeuvres dans certains cas spéciaux pourvu qu’une telle reproduction ne porte pas atteinte à l’exploitation normale de l’oeuvre, ni ne cause un préjudice injustifié aux intérêts légitimes de l’auteur ».
Par ailleurs, la loi du 3 juillet 1985 (Article L.311-.1 et suivants du Code de Propriété Intellectuelle) prévoit une compensation pour les détenteurs de droits sur les oeuvres en établissant une redevance sur les supports vierges ou les appareils de reproduction ;
En conséquence, la preuve d’un usage autre que strictement privé tel que prévu par l’exception de l’article L.122-5 du Code de la Propriété Intellectuelle par le prévenu des copies qu’il a réalisé n’apparaissant pas rapportée en l’espèce, il convient d’entrer en voie de relaxe à son égard.
Le ministère public a fait appel.
« Partager » ses fichiers : une activité illégale qui peut coûter très cher
Et si l’utilisateur passe en mode actif (il télécharge mais il permet aussi à autrui de puiser dans son PC) ?
Ce passage est parfois encouragé par des incitants. Kazaa, logiciel bien connu, propose même des programmes de récompense à la manière des points de fidélité des compagnies aériennes : plus mon PC fournit les autres, plus je gagne des points échangeables contre un voyage, un livre, un ordinateur, etc. Un autre système consiste à créer des communautés (plus je partage plus je monte dans la hiérarchie des communautés, ce qui confère un certain prestige à ne pas négliger surtout parmi les plus jeunes qui sont aussi de gros consommateurs de musique).
Une récente décision belge vient de démontrer la dangerosité de cette activité.
Pas moins de 3.533 fichiers MP3 sont trouvés sur le PC du prévenu. Celui-ci les a obtenu en compressant ses CDs ou en téléchargeant. Il les offrait en partage via un serveur FTP.
Au pénal, le juge déclare les préventions établies mais ordonne la suspension du prononcé. C’est surtout le jeune âge (un jeune adulte au moment des faits) et l’absence d’antécédent judiciaire qui justifie cette largesse.
Au civil par contre le juge est intraitable. A 1,25 € le fichier téléchargé, l’addition se monte à plus de 100.000 €.
A 22 ans, on connaît de meilleurs départs dans la vie …
En France aussi l’addition peut être lourde. Le 29 avril 2004, le Tribunal correctionnel de Vannes a condamné 6 internautes français à des peines de prison avec sursis et à des amendes de plusieurs milliers d’euros, pour avoir téléchargé des films sur l’internet.
Les gendarmes avaient surpris un collectionneur de films en flagrant délit en effectuant une capture informatique de son écran d’ordinateur, en cours de téléchargement d’un film via le logiciel KaZaa. Lors de cette intervention, 198 CD-Rom gravés après téléchargement via ledit logiciel ont été découverts.
Les 6 utilisateurs du logiciel « peer-to-peer » étaient accusés de piratage, distribution et/ou échange des contenus culturels.
Les parties civiles étaient des producteurs de films (Warner Bros, 20th Century Fox, Walt Disney), la Sacem (Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique), le Syndicat de l’édition vidéo et la Fédération nationale des distributeurs de films.
Plus d’infos ?
En prenant connaissance de la décision belge (aspect pénal).
En prenant connaissance de la décision belge (aspect civil).
En prenant connaissance de la décision française.