Commerce électronique d’automobiles et droit de la concurrence
Publié le 20/08/2002 par Thibault Verbiest
Avec l’avènement de l’euro et la banalisation du commerce électronique, de nouveaux marchés s’ouvrent pour la vente transfrontalière de voitures neuves ou d’occasion. Constatant un retard dans ce domaine par rapport aux Etats-Unis, où la vente de véhicules par internet est monnaie courante, la Commission européenne a décidé d’adopter une réforme audacieuse des règles de…
Avec l’avènement de l’euro et la banalisation du commerce électronique, de nouveaux marchés s’ouvrent pour la vente transfrontalière de voitures neuves ou d’occasion.
Constatant un retard dans ce domaine par rapport aux Etats-Unis, où la vente de véhicules par internet est monnaie courante, la Commission européenne a décidé d’adopter une réforme audacieuse des règles de concurrence applicables au secteur automobile.
Le traité CE contient en effet une disposition fondamentale, l’article 81, paragraphe 1, qui interdit les accords ayant des effets anticoncurrentiels. Toutefois, le traité habilite la Commission à exempter certains accords anticoncurrentiels considérés comme « bénins ». C’est ainsi que la Commission exempte, par règlement, des catégories entières d’accords, à condition qu’ils respectent certaines exigences et qu’ils ne contiennent pas de restrictions caractérisées. Le nouveau règlement adopté pour le secteur des véhicules automobiles constitue un exemple d’exemption par catégorie.
Ce nouveau règlement remplace le règlement (CE) n° 1475/95 d’exemption par catégorie, qui est entré en vigueur en 1995, et qui expire le 30 septembre 2002.
Le nouveau règlement sectoriel énonce des conditions d’exemption plus strictes qui s’appliqueront aux accords de distribution et de service après-vente de véhicules automobiles neufs. Il sera également applicable aux services de vente et d’après-vente de tous les véhicules automobiles. Le nouveau règlement devrait entrer en vigueur le 1er octobre 2002.
Une période de transition d’un an sera toutefois instaurée pendant laquelle tous les accords de distribution préexistants devront être mis en conformité avec les nouvelles règles.
Choix entre distribution sélective ou distribution exclusive
Les constructeurs automobiles pourront dorénavant choisir entre deux systèmes de distribution :
- la distribution exclusive, où chaque concessionnaire agréé par le constructeur se voit attribuer un territoire de vente.
Dans ce système, les concessionnaires peuvent se lancer dans des ventes actives à des opérateurs indépendants au sein de leur territoire exclusif, et approvisionner, s’ils sont contactés en ce sens, des consommateurs finals et tous types de revendeurs qui sont situés en dehors de leur territoire. Ces ventes actives au sein du territoire, et les ventes passives à l’extérieur du territoire, devraient créer les conditions permettant d’améliorer la concurrence par les prix dans l’ensemble de l’UE par rapport au régime actuel, qui interdisait toutes les ventes actives en dehors du territoire, ainsi que les ventes aux opérateurs indépendants. - la distribution sélective, où les concessionnaires sont choisis en fonction d’un ensemble de critères qualitatifs (ex : obligation d’avoir un show-room défini) ou quantitatifs (ex : quotas de ventes annuels), mais ne se voient pas attribuer un territoire de vente.
Les distributeurs appartenant à un système de distribution sélective pourront se lancer dans des ventes actives à travers l’Union européenne.
Le nouveau règlement permet en outre aux détaillants de vendre plusieurs marques à la fois. Les constructeurs automobiles seront seulement autorisés à exiger que leurs véhicules soient exposés dans une zone réservée à leurs marques chez les détaillants.
Le régime actuel imposait des conditions telles que des locaux séparés, des entités juridiques différentes et une gestion distincte: par conséquent, pour la plupart des distributeurs, le multimarquisme ne constituait pas une solution économiquement viable.
La distinction ventes actives / ventes passives
Qu’entend-on par ventes passives ou actives sur l’internet ?
La Commission européenne a apporté des éclaircissements à cet égard.
En effet, dans ses « lignes directrices sur les restrictions verticales » relatives au règlement d’exemption du 22 décembre 1999 (général pour tous les secteurs de distribution), la Commission énonce que « l’utilisation de l’Internet à des fins publicitaires ou de vente de produits est en général considérée comme une forme de vente passive, dans la mesure où un site n’est pas clairement conçu de manière à atteindre en premier lieu des clients se trouvant à l’intérieur d’un territoire ou d’un groupe de clientèle exclusivement concédé à un (des) autre(s) distributeur(s), par exemple en utilisant des bandeaux publicitaires ou des liens dans les pages visant spécifiquement la clientèle concédée. En revanche, un message non sollicité transmis par courrier électronique à des clients individuels est considéré comme une vente active« .
Ainsi, un site Internet, pour autant que le marché « primaire » qu’il vise ne soit pas celui contractuellement réservé à un autre distributeur, ne pourrait pas être interdit au regard du droit de la concurrence.
Un concessionnaire opérant exclusivement sur l’internet pourrait-il bénéficier de ces nouvelles règles ? p>
La Commission s’est volontairement abstenue d’exiger des constructeurs automobiles qu’ils vendent aussi aux distributeurs opérant exclusivement sur l’internet.
Selon l’analyse réalisée par la Commission, à long terme, les inconvénients l’emporteraient sur les éventuels avantages pour les consommateurs: les distributeurs qui vendent des véhicules exclusivement en ligne pourraient agir comme des « parasites » par rapport aux autres distributeurs, qui sont obligés d’investir dans une salle d’exposition, des véhicules de démonstration et un personnel de vente formé, capable de conseiller les consommateurs.
Selon la Commission, le risque serait de voir ces derniers profiter de tous ces services, mais s’adresser ensuite à un distributeur internet pour l’achat de leur nouvelle voiture.
Toutefois, les nouvelles règles spécifient qu’aucun distributeur satisfaisant aux critères du constructeur ne peut faire l’objet de restrictions quant à sa capacité de vendre également en ligne ou d’utiliser un site web d’aiguillage. De fait, l’internet est un moyen de communication à faible coût, qui devrait, à moyen terme, réduire les coûts de distribution et les prix à la consommation.
Quels changements pour les « intermédiaires » opérant sur l’internet ?
Il est souvent difficile, pour le consommateur normal, d’acheter un véhicule à l’étranger: il peut se heurter à des problèmes de langue, être peu familier des conditions commerciales pratiquées dans un autre État membre ou avoir des difficultés à les appréhender. La nouvelle réglementation lui a donc donné la possibilité de faire appel à un représentant, communément appelé intermédiaire.
Les opérateurs internet (comme par exemple Virgin Cars ou OneSwoop), à l’instar des supermarchés, pourront aussi faire fonction d’intermédiaires pour les consommateurs et établir des relations privilégiées avec des concessionnaires dans l’ensemble du marché commun.