Comment contacter le vendeur en ligne ? La Cour de justice précise la portée de la directive
Publié le 16/12/2008 par Thibault Verbiest, Bertrand Vandevelde
La Cour de Justice des Communautés européennes vient d’apporter d’utiles précisions relatives à l’article 5 de la directive 2000/31/CE sur le commerce électronique, Celle-ci exige que le prestataire fournisse plusieurs informations, dont son adresse géographique et ses coordonnées, y compris son adresse de courrier électronique, permettant d’entrer en contact rapidement et de communiquer directement et efficacement avec lui. Oui, mais, en pratique, comment faire ?
Cyberconsommation : oui mais…
Le commerce électronique séduit de plus en plus les internautes. Un cyberacheteur et un cybervendeur peuvent rapidement contracter à distance pour des produits indisponibles via les canaux de distribution classique ou, autre exemple, pour lesquels des services supplémentaires sont offerts pour un coût total similaire.
Mais certains produits peuvent susciter plus d’interrogations que d’autres dans le chef du cyberacheteur. Les contrats d’assurance font partie de cette catégorie. Contracter une assurance en ligne est souvent avantageux d’un point de vue pécuniaire mais peut être déroutant. Le cyberacheteur aimerait être certain d’éviter les pièges d’un produit aux conditions générales subtiles et tentaculaires. Le cyberacheteur voudrait donc pouvoir redevenir quelques instants un acheteur classique et poser quelques questions par téléphone à son cybervendeur.
Obligations d’information pour un contact direct
Selon l’article 5 de la Directive 2000/31/CE (dite « commerce électronique »), le cybervendeur doit rendre « possible un accès facile, direct et permanent, pour les destinataires du service et pour les autorités compétentes, au moins aux informations suivantes »:son nom, son adresse géographique et ses coordonnées « y compris son adresse de courrier électronique, permettant d’entrer en contact rapidement et de communiquer directement et efficacement avec lui ».
En Belgique, ces mêmes obligations d’information sont inscrites dans l’article 7 de la loi sur certains aspects juridiques des services de la société de l’information du 11 mars 2003.
Professionnel et cyberconsommateur
Selon l’article 5 de la Directive 2000/31/CE (dite « commerce électronique »), le cybervendeur doit rendre « possible un accès facile, direct et permanent, pour les destinataires du service et pour les autorités compétentes, au moins aux informations suivantes »:son nom, son adresse géographique et ses coordonnées « y compris son adresse de courrier électronique, permettant d’entrer en contact rapidement et de communiquer directement et efficacement avec lui ».En Belgique, ces mêmes obligations d’information sont inscrites dans l’article 7 de la loi sur certains aspects juridiques des services de la société de l’information du 11 mars 2003.
Il est remarquable que dans cet article le législateur européen utilise le terme de « destinataire du service ». Cette formulation englobe les consommateurs et les acheteurs contractant à titre professionnel, qui sont tout autant démunis que les consommateurs face à un vendeur invisible. Selon la Directive donc, tous les cyberacheteurs ont droit à ces informations préalables. Ce droit n’interdit cependant pas des dérogations convenues entre un cybervendeur et des cyberacheteurs professionnels.
Une assurance automobile en ligne
Dans une affaire intéressant la fédération allemande des associations de consommateur et une compagnie d’assurances automobiles qui offre exclusivement ses services sur l’Internet, la Cour de justice des Communautés européennes (CJCE) a apporté des précisions importantes pour la confiance des cyberacheteurs. La question porte sur l’article 5 de la Directive. Il s’agit de savoir si cette compagnie d’assurances doit obligatoirement communiquer son numéro de téléphone à ses clients avant même la conclusion d’un contrat en ligne. Et si non, de savoir si un formulaire en ligne peut suffire en tant que moyen de communication conforme au prescrit du législateur européen.
Numéro de téléphone et/ou formulaire en ligne
L’information disponible sur le site de la compagnie d’assurances allemande est conforme à la Telemediengesetz (loi allemande de transposition de la Directive). En plus des obligations légales, la compagnie a prévu un formulaire en ligne au moyen duquel les cyberacheteurs peuvent poser leurs questions avant de contracter. Les réponses sont envoyées par courrier électronique. Mais pour connaître le numéro de téléphone, le cyberacheteur devra tout d’abord avoir contracté.
Selon la fédération des associations de consommateurs, seul le téléphone permet une communication directe au sens de la Directive. Le formulaire en ligne serait insuffisant parce qu’indirect.
En première instance, le Landgericht de Dortmund a été convaincu par les arguments de la fédération et en a conclu que l’assureur devait proposer à ses futurs clients un contact téléphonique.
La Cour d’appel est arrivée aux conclusions inverses en estimant que le formulaire en ligne permet un contact direct, ce d’autant plus que les réponses fournies le sont dans un délai oscillant entre 30 et 60 minutes.
L’analyse par la CJCE
La Cour précise les lignes de force de la Directive.
- Le législateur européen a voulu que les intérêts du cyberacheteur puissent être protégés à tous les stades du contrat.
- Tout en voulant promouvoir le commerce électronique, le législateur n’a pas voulu l’isoler du reste du Marché intérieur. Ainsi, si un cyberacheteur se retrouvait dans l’impossibilité de se connecter à l’Internet, afin de ne pas être exclu du Marché, il devrait pouvoir communiquer avec le cybervendeur en utilisant d’autres modes de communication que les modes électroniques.
La Cour précise les choix terminologiques.
- Lorsque le législateur choisit le terme « y compris », il est certain que ce terme traduit la volonté de ne pas restreindre les modes de communication entre les cyberacheteurs et les cybervendeurs au seul courrier électronique. Une voie supplémentaire au courrier électronique est donc justifiée, d’autant plus que le coût d’un tel moyen ne peut être considéré comme une lourde charge économique pour le cybervendeur.
- Lorsque le terme « directement » est choisi pour la Directive, ce terme implique uniquement la notion de communication sans intermédiaire.
Selon la Cour, une communication sans intermédiaire peut mais « ne saurait nécessairement inclure un numéro de téléphone » ; un formulaire en ligne permet lui aussi une communication sans intermédiaire. Ce moyen présente cependant un défaut majeur : il ne peut être utilisé sans un accès à l’Internet.
La Cour conclut que :
- Dès avant la conclusion du contrat, le cyberacheteur doit pouvoir entrer en communication directe avec le cybervendeur par un autre moyen que le courrier électronique ;
- Le téléphone est un des moyens que le cybervendeur peut décider de mettre à la disposition du cyberacheteur ;
- Le formulaire électronique peut également être proposé, « sauf dans des situations où un destinataire du service [cyberacheteur], se trouvant, après la prise de contact par voie électronique avec le prestataire de services [cybervendeur], privé d’accès au réseau électronique, demande à ce dernier l’accès à une voie de communication non électronique. »
Conclusion
L’ère du « tout électronique exclusif » n’est pas praticable pour le développement du Marché. Le cybervendeur doit envisager les cas où ses contractants sont dans l’impossibilité d’être connectés à l’Internet. Le cybermarchand ne peut donc se limiter à proposer une adresse électronique comme seul moyen de communication.
Selon la CJCE, trois combinaisons sont envisageables :
- Adresse électronique + formulaire en ligne + autre moyen hors réseau.
- Adresse électronique + téléphone.
- Adresse électronique + moyen de communication sans intermédiaire également disponible hors réseau.
Aux cybervendeurs de choisir leur combinaison pour se mettre en conformité avec les exigences de la CJCE ; aux cyberacheteurs de choisir de ne contracter qu’avec des vendeurs conformes.
Article paru dan le journal L’Echo le 7 janvier 2009 sous le titre de "Le cyberacheteur contacte le cybervendeur"