Comment concilier les droits privatifs et les libertés individuelles sur l’internet ?
Publié le 15/03/2007 par YASSIN EL SHAZLY
Le fameux acteur américain Tom Cruise vient de récupérer le nom de domaine « tomcruise.com », enregistré en 1996 par la société Alberta Hot Rods (dirigée par Jeff B.) et utilisé pour conduire les internautes vers un site nommé Celebrity 1000. Malgré le fait que le titulaire du nom litigieux invoquait son droit à la…
Le fameux acteur américain Tom Cruise vient de récupérer le nom de domaine « tomcruise.com », enregistré en 1996 par la société Alberta Hot Rods (dirigée par Jeff B.) et utilisé pour conduire les internautes vers un site nommé Celebrity 1000. Malgré le fait que le titulaire du nom litigieux invoquait son droit à la liberté d’expression (inséré par le premier amendement de la Constitution américaine « Bill of rights » de 1791), le panel du centre d’arbitrage et médiation de l’OMPI a privilégié le droit sur la marque au détriment de la liberté d’expression, en considérant que les droits exclusifs accordés aux propriétaires de marques comme aux propriétaires de droits d’auteur, imposent par leur nature une certaine limitation à la liberté d’expression. Par contre, la jurisprudence française semble avoir une autre vision dans la matière.
La decision de l’OMPI précise que :
« The exclusive rights granted to trademark holders, like the exclusive rights granted to copyright holders, by their nature impose a certain limitation on freedom of expression. The right of free speech is recognized under the Policy, inter alia, in paragraph 4(c)(iii), further to which Respondent is allowed to make legitimate noncommercial or fair use of a domain name. The Panel is well aware of the importance of the First Amendment and freedom of expression. By limiting Respondent’s use of Complainant’s trademark in the disputed domain name, the Policy by definition effects some limitation on Respondent’s scope of expression. However, it does this in a way consistent with the balancing of interests inherent in the general recognition of trademark rights. Free speech does not by definition entail a right to take unfair commercial advantage of a trademark ». OMPI, D2006-0560, Tom Cruise v. Network Operations Center / Alberta Hot Rods, July 5, 2006, http://arbiter.wipo.int/domains/decisions/html/2006/d2006-0560.html : E. GILLET, DI., comm., 27 juillet 2006., http://www.domainesinfo.fr
Le principe de la liberté d’expression et les circonstances dans lesquelles il peut faire l’objet de restrictions, sont établis depuis longtemps et inscrits dans la législation de nombreux pays. Le socle international de cette liberté est constitué par la déclaration de 1789 des droits de l’homme et du citoyen, qui dispose dans son article 11 que « La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’Homme : tout Citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre à l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la Loi ».
Ce principe a été confirmé universellement par l’article 19 de l’ONU des droits de l’homme (10 décembre 1948), et régionalement par l’article 10 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentale (Rome, 4 novembre 1950). Or, la mutation progressive des nouvelles technologies d’information et communication, et plus particulièrement de l’internet, a bouleversé profondément la conception classique des échanges commerciaux et des relations humaines. L’exercice actuel de la liberté d’expression témoigne l’effet grandissant du phénomène de l’Internet.
Le dossier que nous proposons se penche sur le délicat équilibre entre ces droits et libertés qui, sur l’internet, s’affrontent souvent. Comment en effet faire coexister des droits privatifs (tel le droit à la marque) et des libertés individuelles (tel la liberté d’expression) ?