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Charlie hebdo : voici les premières condamnations pour apologie du terrorisme

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Quelques jours seulement après l’attentat et la marche républicaine du weekend, les premières condamnations tombent contre certaines personnes qui ont dépassé les limites de la liberté d’expression après l’attentat, et menacé des policiers ou des citoyens.

Liberté d’expression, mon cher souci

La liberté d’expression est au centre des débats depuis quelques jours. Avant de voir pourquoi et comment les premières condamnations sont tombées, recadrons rapidement et en résumé les contours de cette liberté fondamentale.

·         Les textes applicables

La liberté d’expression est notamment rangée parmi les droits fondamentaux de l’homme en vertu de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme, et la constitution.

·         Qui bénéficie de la liberté d’expression

Le principe de la liberté d’expression s’étend à toute communication, quel qu’en soit l’auteur : journaliste, simple citoyen, société ou autre personne  morale.

·         Les communications protégées par la liberté d’expression

Cette liberté n’est pas limitée à l’expression d’un type d’opinion, par exemple une opinion politique, philosophique, religieuse, artistique, etc…. Elle protège toute communication, même dépourvue d’opinion, en ce compris l’expression commerciale. Ce principe est le prolongement des libertés dites de pensée et d’opinion.  Ces libertés seraient en effet vides de sens si l’extériorisation des opinions n’était pas garantie.

La forme de l’expression importe peu : un texte, une parole, un dessin, voire même une attitude (le fait de défiler) et pourquoi pas le silence.

·         Le bon et le mauvais goût

La liberté d’expression n’est pas soumise à l’étalon du bon ou du mauvais goût. Il ne peut donc être question de « milieux autorisés » qui détermineraient ce qui est acceptable et ce qui ne l’est pas.

Dans une célèbre affaire, les parents d’un enfant handicapé avaient tenté de faire interdire certains passages du spectacle d’un humoriste, choqués que l’on se moque de personnes souffrant d’un handicap parfois grave. Le Tribunal a refusé de censurer l’artiste rappelant que même si l’homme peut admettre que les propos sont de (très) mauvais goût, le magistrat qui juge doit faire abstraction de son sentiment et ne peut pas juger sur la base de ce qu’il considère être de bon goût, choquant ou politiquement correct.

On lit dans ce jugement : « Qu’il serait plus que hasardeux de prétendre censurer, même à posteriori, l’expression de ces talents qui peuvent se réclamer de la liberté d’expression, même si certaines personnes, et c’est bien normal, restent allergiques à telle ou telle moquerie et peuvent même éprouver de l’amertume ».

Ailleurs on a pu lire : « Que sans rien enlever à la possibilité pour les tribunaux de réprimer des dérives caractérisées et réellement dommageables, il convient d’éviter de sombrer dans la pensée unique et le ‘politiquement correct ‘ à une époque où précisément les gendarmes de la bonne pensée se font nombreux et agissants, pour nous imposer un langage aseptisé et convenu ».

·         L’expression d’un jugement de valeur et l’affirmation d’un fait

Les opinions et jugements de valeur sont forcément personnels et on ne peut établir entre eux de hiérarchie. A l’inverse, les affirmations factuelles à l’encontre d’autrui doivent pouvoir se vérifier et être exactes, sous peine éventuellement d’aller à l’encontre de droits individuels, comme la réputation d’autrui.

Dans une célèbre affaire mettant en cause M. Jörg Haider, président du parti libéral autrichien taxé de racisme, la Cour européenne des droits de l’homme a fait une distinction entre faits d’une part, et jugements de valeur d’autre part : “In its practice, the Court has distinguished between statements of fact and value judgments. While the existence of facts can be demonstrated, the truth of value judgments is not susceptible of proof.

The requirement to prove the truth of a value judgment is impossible to fulfil and infringes freedom of opinion itself, which is a fundamental part of the right secured by Article 10 (Lingens v. Austria judgment, op. cit., p. 28, § 46; Oberschlick v. Austria judgment, op. cit., p. 27, § 63).”

La Cour européenne des droits de l’homme a suivi le même raisonnement, distinguant faits et opinions critiques, dans l’affaire Perna (CEDH, arrêt PËRNA du 25 juillet 2001).

C’est sur la base de cette distinction fondamentale entre affirmation de faits et critique, qu’une chaine de télévision l’a emporté dans un litige l’opposant à d’anciens membres de l’église de scientologie, la Cour d’appel soulignant à cette occasion la distinction à faire entre les faits rapportés et l’opinion du journaliste.

·         Le prise en compte des personnes en cause

L’appréciation des limites à la liberté d’expression est plus stricte lorsqu’il s’agit de questions d’intérêt public ou de questions relevant de la sphère politique. L’appréciation est également plus stricte lorsque la personne visée par les propos litigieux occupe une fonction ou exerce une mission qui l’expose à la critique. On va aussi tenir compte de la personnalité, du rôle et de la situation de la personne qui tient les propos litigieux.

Ces notions sont des concepts à géométrie variable : elles dépendent notamment des faits de la cause, de l’endroit où les propos ont été tenus, de la personnalité de la personne visée par les propos, de la personnalité des personnes qui tiennent des propos, de la diffusion de propos, etc.

La liberté est-elle absolue ?

Non. Elle connait des limites.

Certaines limites, que l’on qualifiera de subjectives, découlent du fait que la liberté des uns ne peut empiéter sur les droits et libertés des autres. Par exemple, on ne peut pas invoquer sa propre liberté d’expression pour  insulter autrui, le diffamer, violer ses droits de propriété intellectuelle, etc.

Les autres limites, que l’on qualifiera d’objectives, découlent de certaines lois qui interdisent expressément certains propos. Exemples : l’incitation à la haine raciale, les propos révisionnistes, et depuis novembre 2014 l’apologie du terrorisme.

La loi du 13 novembre 2014

Par une incroyable coïncidence de calendrier, la France a inséré en novembre 2014, quelques semaines avant les attentats, une nouvelle disposition dans le code pénal qui crée une nouvelle limite à la liberté d’expression en incriminant l’apologie du terrorisme (article 421-1 et suivants du Code pénal).

Au sens de cette loi, « constituent des actes de terrorisme, lorsqu’elles sont intentionnellement en relation avec une entreprise individuelle ou collective ayant pour but de troubler gravement l’ordre public par l’intimidation ou la terreur, les infractions suivantes :

1° Les atteintes volontaires à la vie, les atteintes volontaires à l’intégrité de la personne, l’enlèvement et la séquestration ainsi que le détournement d’aéronef, de navire ou de tout autre moyen de transport, définis par le livre II du présent code ;

2° Les vols, les extorsions, les destructions, dégradations et détériorations, ainsi que les infractions en matière informatique définis par le livre III du présent code ; (…) ».

Ayant défini les actes de terrorisme, la loi incrimine leur apologie dans les termes suivants : « Le fait de provoquer directement à des actes de terrorisme ou de faire publiquement l’apologie de ces actes est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 € d’amende. »

Les peines sont portées à sept ans d’emprisonnement et à 100 000 € d’amende lorsque les faits ont été commis en utilisant un service de communication au public en ligne.

Lorsque les faits sont commis par la voie de la presse écrite ou audiovisuelle ou de la communication au public en ligne, les dispositions particulières des lois qui régissent ces matières sont applicables en ce qui concerne la détermination des personnes responsables.

Les trois condamnations

C’est à Toulouse que les trois procédures ont été poursuivies.

Il s’agit de cas distincts et non d’un groupe de trois personnes agissant de concert :

  1. Un jeune Français né en 1993, sans profession, s’est écrié vendredi soir dans un transport public : « Les frères Kouachi, c’est que le début, j’aurais dû être avec eux pour tuer plus de monde ». Verdict : dix mois ferme.
  2. Le deuxième accusé, né en 1992, a lancé à des policiers qui le contrôlaient vendredi dernier pour un test d’alcoolémie : « On va tous vous niquer à la kalachnikov » et « je vais venir au commissariat pour faire comme à Paris ».  Verdict : dix mois ferme.
  3. Le troisième, né en Palestine en 1990, sans domicile fixe, a crié en sortant ce weekend d’une boîte de nuit : « Je nique les Français, je suis propalestinien, je veux faire le djihad et vous tuer à la kalach’ sales juifs ! ». Verdict : trois mois ferme.

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