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Caméra vidéo sur une maison privée : quelles sont les règles applicables ?

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La cour de justice a rendu un arrêt qui clarifie le régime juridique des caméras vidéo installées dans les lieux privés : la loi sur les données à caractère personnel s’applique à la caméra de surveillance installée sur une maison familiale et dirigée vers la voie publique.

La directive permet néanmoins d’apprécier l’intérêt légitime de cette personne à protéger ses biens, sa santé et sa vie ainsi que ceux de sa famille La directive sur la protection des données à caractère personnel ne permet, en principe, de traiter de  telles  données  que  si  la  personne  concernée  a  donné  son  accord.  Néanmoins,  elle  ne s’applique  pas  au  traitement  de  données  effectué  par  une  personne  physique  pour  l’exercice d’activités exclusivement personnelles ou domestiques.

Les faits

M.  R. et  sa  famille  ont  fait  l’objet  d’attaques  plusieurs  fois  par  un  inconnu  et,  en  outre,  les fenêtres de leur maison ont été brisées à différentes reprises. En réponse à ces agressions, M. R. a installé sur la maison de sa famille une caméra de surveillance qui filmait l’entrée de celle-ci, la voie publique ainsi que l’entrée de la maison d’en face.

Au cours de la nuit du 6 au 7 octobre 2007, une fenêtre de cette maison a été brisée par un tir de projectile  au  moyen  d’une fronde.  Les  enregistrements  de  la  caméra  de  surveillance  remis  à  la police  ont  permis  d’identifier  deux  suspects  contre  lesquels  des  procédures  pénales  ont  été engagées.

L’un des suspects a toutefois contesté auprès de l’Office tchèque pour la protection des données à caractère  personnel  la  légalité  du  traitement  des  données  enregistrées  par  la  caméra  de surveillance de M. R. L’Office a constaté que M. R. avait effectivement violé les règles en matière de protection des données à caractère personnel et lui a infligé une amende. À cet égard, l’Office  a  relevé,  entre  autres,  que  les  données  du  suspect  avaient  été  enregistrées  sans  son consentement  alors  qu’il  était  sur  la  voie  publique,  c’est-à-dire  dans  la  portion  de  la  rue  située devant la maison de M. R.

Saisi en pourvoi du litige opposant M. R. à l’Office, le Nejvyšší správní soud (Cour suprême administrative, République tchèque) demande à la Cour de justice si l’enregistrement réalisé par M.  R. en  vue  de  protéger  sa  vie,  sa  santé  et  ses  biens  (c’est-à-dire  l’enregistrement  de données à caractère personnel d’individus attaquant sa maison depuis la voie publique) constitue un traitement de données non couvert par la directive, au motif que cet enregistrement est effectué par une personne physique pour l’exercice d’activités exclusivement personnelles ou domestiques.

Il y a bel et bien un traitement de données personnelles

Dans  son  arrêt ,  la  Cour  rappelle,  en  premier  lieu,  que  la  notion  de  « données à caractère personnel » au sens de la directive englobe toute information concernant une personne physique identifiée ou identifiable. Est réputée identifiable toute personne qui peut être identifiée, directement ou indirectement, par référence à un ou plusieurs éléments spécifiques, propres à son identité  physique. Par conséquent, l’image d’une personne enregistrée par une caméra constitue  une donnée à caractère personnel, car elle permet d’identifier la personne concernée.

De  même,  la  vidéosurveillance  comprenant  l’enregistrement  et  le  stockage  de  données  à caractère  personnel  relève  du  champ  d’application  de  la  directive,  puisqu’elle  constitue  un traitement automatisé de ces données.

Jusque là, la règle n’est pas franchement neuve. Plusieurs décisions européennes et nationales avaient déjà tranché ce point.

Le traitement est-il domestique ?

La seconde question était plus novatrice et revient à savoir jusqu’où porte l’exception en faveur des traitements dits domestiques.

Après avoir énoncé que la directive (et donc les lois nationales de transposition) s’applique au traitement de données à caractère personnel, automatisé en tout ou en partie, ainsi qu’au traitement non automatisé de données à caractère personnel contenues ou appelées à figurer dans un fichier, l’article 3 de la dite directive exclu toutefois de son champ d’application les traitements dits domestiques : « La présente directive ne s’applique pas au traitement de données à caractère personnel (…) effectué par une personne physique pour l’exercice d’activités exclusivement personnelles ou domestiques. »

Le considérant 12 explique l’exception comme suit : « doit être exclu le traitement de données effectué par une personne physique dans l’exercice d’activités exclusivement personnelles ou domestiques, telles la correspondance et la tenue de répertoires d’adresses ».

Dans son arrêt, la Cour constate que l’exemption prévue par la directive au sujet du traitement de données  effectué par une personne physique pour l’exercice d’activités exclusivement personnelles ou domestiques doit être interprétée de manière stricte.

Pour la Cour, il s’en déduit que « une vidéosurveillance qui s’étend à l’espace public et qui, de ce fait, est dirigée en dehors de la sphère privée de la personne traitant les données ne peut pas être considérée comme une activité exclusivement personnelle ou domestique ». La loi s’applique donc dans ce cas.

On peut par contre probablement déduire de l’arrêt, a contrario, qu’une vidéosurveillance qui ne s’étend pas à l’espace public et qui, de ce fait, est confinée à la sphère privée de la personne traitant les données,  peut être considérée comme une activité exclusivement personnelle ou domestique.

Tout est donc question de lieu de fixation de la caméra et de périmètre filmé. Les installateurs et leurs clients privés devront donc être attentifs à ceci.

Le traitement est-il illégal pour autant ?

Le pauvre M. R. qui ne peut pas invoquer l’exception de traitement privé dans la mesure où la caméra filmait aussi le voie publique, n’avait pas pris en compte la loi et se trouvait donc sur la sellette.

Le traitement est-il illégal ?

La réponse est importante pour M. R. mais aussi pour son voisin victime d’une agression, dont l’auteur a été identifié grâce à l’enregistrement réalisé par M. R.

La Cour apporte une réponse toute en nuance.

Elle explique d’abord « qu’en appliquant la directive, la juridiction nationale doit, dans le même temps, prendre en compte que  ses  dispositions permettent  d’apprécier  l’intérêt  légitime  du  responsable  du  traitement  à protéger ses biens, sa santé et sa vie ainsi que ceux de sa famille. »

C’est qu’on l’oublie souvent, mais le consentement n’est pas toujours obligatoire. En matière de vidéosurveillance, on se doute bien qu’il serait du reste délicat de demander au voleur filmé de donner son consentement … La cour le rappelle, soulignant que « le traitement de données à caractère personnel peut être effectué sans  le  consentement  de  la  personne  concernée,  notamment  lorsqu’il  est  nécessaire  à  la réalisation de l’intérêt légitime du responsable du traitement. »

Par ailleurs, la personne qui pénètre dans une zone filmée et dont on ne connait pas souvent l’identité ne peut pas être informée des finalités, de son droit d’accès et de rectification, etc. Est-ce grave ? Non. La cour le rappelle aussi : « une personne ne doit pas être informée du traitement de ses données, si l’information de celle-ci se révèle impossible ou implique des efforts disproportionnés. » C’est pour cette raison que l’on conseille d’apposer un autocollant signalant que les lieux sont filmés : cela suffit à informer les personnes qui entrent dans une zone filmée.

Enfin, la cour formule un dernier rappel : « les États membres peuvent limiter la portée des obligations et des droits prévus par la directive, lorsqu’une telle limitation est nécessaire pour sauvegarder  la  prévention,  la  recherche,  la  détection  et  la  poursuite  d’infractions  pénales  ou  la protection des droits et libertés d’autrui. »

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