L’e-book va être assimilé au livre sur le plan de la TVA
Publié le 02/06/2017 par Etienne Wery
Cette fois, c’est (presque) la fin d’un long parcours législatif. La proposition de directive donnant aux États membres la possibilité d’appliquer un taux de TVA réduit sur les livres électroniques, l’alignant sur la TVA appliquée au contenu imprimé, a été adoptée en session plénière.
L’impact de la TVA sur le prix
Quand le consommateur achète un produit, il paye un prix qui comprend de la TVA.
Exemple :
- Je paye un produit 100 €.
- Si le taux de TVA de 21 %, cela signifie que le marchand ne touche effectivement que 82,65 €.
- En effet, la différence (17,35 €) est perçue par le marchand pour le compte de l’Etat à qui il reverse cette somme. C’est la TVA.
- Le marchand a donc 82,65 € en poche avec lesquels il paye ses frais et fournisseurs, en espérant réaliser un bénéfice.
On le voit, la TVA peut avoir un impact décisif sur le prix de vente.
Jusqu’au 1er janvier 2015, c’était (en résumé) le pays d’établissement du vendeur qui déterminait la TVA applicable. Dès lors, tous les éditeurs électroniques qui le pouvaient se réfugiaient dans un pays fiscalement attrayant proposant un taux de TVA réduit. Vous êtes-vous jamais demandé pourquoi les fichiers musicaux achetés sur iTunes étaient facturés par une société luxembourgeoise ? (voir notre actu précédente)
Depuis le 1er janvier 2015, avec l’entrée en vigueur de la nouvelle règle dite du « lieu de prestation », la TVA est perçue dans le lieu où l’acquéreur (l’acheteur) est établi, et les fournisseurs ou les prestataires ne peuvent plus bénéficier du fait d’être implantés dans les États membres ayant les taux de TVA les plus bas (voir notre actu précédente). Traduction concrète : le prix de vente du même bien peut varier selon que l’acheteur est dans un Etat A ou un Etat B.
Le taux normal et le taux réduit
La TVA est une matière très largement harmonisée dans l’Union européenne.
Il y a en gros un taux de TVA normal, et des taux de TVA réduits ou super réduits pour certains produits ou services. Au départ, l’idée est simple : éviter de pénaliser des produits de base par un taux de TVA trop élevé. À la fin, le système est devenu très complexe.
Rien qu’en matière de « publications », la directive TVA 2006/112/CE du 28 novembre 2006 crée trois régimes :
- Les services fournis par voie électronique, y compris les publications électroniques, doivent être taxés au taux normal de TVA, c’est-à-dire au minimum 15 % ;
- Les États membres peuvent opter un taux réduit (au minimum 5%) pour les publications sur support physique ;
- Dans certains cas, on peut avoir un taux super réduit (au minimum 5 %) voire nul (exonération avec droit à déduction de la TVA payée au stade antérieur) pour certaines publications imprimées.
L’électronique discriminé ?
La directive TVA interdit aux États membres d’appliquer aux publications électroniques les taux de TVA qu’ils appliquent actuellement aux publications physiques, de sorte que les publications électroniques font l’objet d’un traitement nettement moins favorable en matière de TVA dans la plupart des États membres.
a) Première difficulté : le même produit est disponible sous différentes formes
Une première difficulté apparaît quand le même produit existe sous forme dématérialisée ou physique : par exemple un livre que je peux acheter en format papier ou télécharger. Le contenu est le même mais sa forme change.
Si la TVA est de 21% pour l‘électronique contre 6% pour le papier, la TVA passe de 17,35 € à 4,95 € et le prix de vente, toutes choses égales par ailleurs, passe de 100 € à 87,6 €. Appréciable.
Bien entendu, on peut discuter à l’infini de la question de savoir si un livre électronique est le même produit qu’un livre papier : la structure des coûts, le réseau de distribution, l’impact socio-économique, le poids de l’emploi, etc. sont autant de facteurs mis en avant par les uns et les autres selon le point de vue qu’ils défendent. Et c’est du reste en raison de cette discussion que jusqu’à présent, les deux étaient soumis à des taux de TVA différents.
b) Seconde difficulté : des produits concurrents sont disponibles sous différentes formes
Une seconde difficulté apparaît quand des sociétés proposent des produits concurrents mais relativement substituables, sous des formes différentes : l’un sous forme papier et l’autre sous forme électronique.
Par exemple, un magazine édité sous forme papier qui serait concurrencé par ce qu’on appelle un pure player (c’est-à-dire un acteur actif uniquement en ligne).
Si l’éditeur papier bénéficie d’un taux réduit mais pas l’éditeur électronique, il bénéficie d’un avantage concurrentiel puisque deux contenus non-identiques mais concurrents et relativement substituables, sont proposés à un prix différent du seul fait d’un taux TVA spécifique.
À nouveau, on peut discuter à l’infini quant à savoir si cela se justifie ou pas. L’éditeur papier va généralement pouvoir dire qu’il crée des emplois locaux, qu’il est investi dans l’économie nationale, qu’il est là depuis longtemps, que ses coûts de production sont plus élevés, etc. L’arbitrage est, une fois de plus, politique.
c) L’arrêt de la Cour de justice
Pour la Cour de justice, le principe d’égalité de traitement ne s’oppose pas à ce que les livres, les journaux et les périodiques numériques fournis par voie électronique soient exclus de l’application d’un taux réduit de TVA, dont bénéficient les éditeurs-papier. La directive TVA est valide de ce point de vue. (voir notre actu précédente)
Le nouveau système : les Etats ont le choix
Le plan d’action de la Commission sur la TVA estime que les règles actuelles en matière de taux de TVA ne tiennent pas pleinement compte de l’évolution technologique et économique en ce qui concerne les livres et les journaux électroniques. La modernisation de la TVA pour l’économie numérique est également un objectif essentiel de la stratégie pour le marché unique numérique.
Dans ses conclusions du 25 mai 2016 relatives au plan d’action sur la TVA, le Conseil a invité la Commission à présenter, avant la fin de 2016, une proposition législative qui intègre des dispositions relatives aux taux de TVA applicables aux publications en ligne dans le cadre des initiatives relatives au marché unique numérique, et à y inclure une analyse d’impact.
La Commission a tranché et a proposé en décembre 2016 une directive accordant à l’ensemble des États membres la possibilité d’appliquer aux publications électroniques les mêmes taux de TVA que ceux qu’appliquent actuellement certains États membres aux publications imprimées, qui comprennent les taux réduits, super-réduits et nuls.
Avec le vote du Parlement, c’est le dernier verrou qui saute. On imagine en effet mal le Conseil s’opposer à la proposition puisque celle-ci revient à donner le choix aux Etats.
La justification donnée par le Parlement est la suivante : « Notre manière de lire a radicalement changé ces dernières années. Aujourd’hui, cela n’a aucun sens de taxer davantage un journal en ligne qu’une version imprimée achetée en magasin. Cette nouvelle directive permettra aux États membres d’aligner la TVA des contenus numériques sur celle appliquée au contenu imprimé. »
Plus d’infos ?
En prenant connaissance de la proposition de directive, jointe en annexe.