Belgique : terre d’accueil du cinéma ?
Publié le 25/04/2011 par Thibault Verbiest, Veronique Delforge
Le cinéma est un secteur en plein envol en Belgique et pour cause, outre nos très bons acteurs qui s’exportent largement (Cécile de France qui travaille pour Clint Easwood, Benoît Poelvoorde pour Dany Boon.) plusieurs mécanismes existent pour financer la production d’un film, que ce soit le recours à la coproduction internationale ou le Tax Shelter.
La coproduction très en vogue, permet avant tout de rassembler des ressources dans le but de réaliser une œuvre qui autrement, avec un seul producteur, aurait été difficilement réalisable. Concrètement, plusieurs producteurs (ou chaines de télévision, distributeurs, investisseurs privés) de pays différents décident de collaborer et de mettre en commun leur apport afin de mener à bien la coproduction d’un film (ou autre). Cet apport n’est pas forcément financier. Il peut aussi s’agir d’un apport de droits (ex : les droits sur un livre qui sera à la base du film à produire) ou encore de services de production, de commercialisation. Ces apports détermineront la quotepart sur les recettes nettes qui découleront de l’exploitation du film. Outre le partage des bénéfices (ou des pertes), la coproduction permettra enfin à chaque partie, de s’attribuer la propriété des droits sur l’œuvre.
Un autre intérêt de la coproduction internationale, provient du fait que la production est effectuée par des personnes qui sont établies et qui connaissent bien les différents marchés dans lesquels l’œuvre sera exploitée. En outre, sous le respect de certaines conditions, l’œuvre pourra bénéficier du statut d’ «œuvre audiovisuelle nationale» et donc recevoir les aides et subsides octroyés dans les différents pays des coproducteurs. Petit bémol à ce mécanisme, la complexité qu’il implique au niveau pratique (besoin de coordination accrue, langues différentes, coûts de mise en place) au niveau juridique (quelle loi appliquer au contrat, comment harmoniser les régimes juridiques différents) et plus psychologique avec la nécessité de concilier toutes les manières distinctes de travailler. (1)
Certains pays, comme la France, ont longtemps estimé que la coproduction comportait un risque pour l’audience, lui préférant le confort d’une production nationale, plus proche des attentes de leur public. Mais s’il est une réalité, c’est qu’il devient de plus en plus difficile de produire, sans coproduire et sans tenir compte de la dimension internationale du marché.
Car la coproduction internationale est aujourd’hui également facilitée par la globalisation des échanges et la communication sans frontière qui fait que tout le monde vit en direct les mêmes évènements et voit les mêmes images. Les sujets universels, susceptibles de plaire à des téléspectateurs de tous horizons se font plus fréquents. (2) Les coproductions internationales ont ainsi leur place pour disperser au-delà des frontières d’un Etat, une œuvre culturelle qui ralliera à sa cause des cultures et croyances différentes.
L’Europe s’est engagée à renforcer la Coproduction cinématographique dés 1992 en adoptant une Convention européenne sur la Coproduction cinématographique, et en créant notamment un fond européen de soutien à la coproduction et à la diffusion d’œuvres de création cinématographiques et audiovisuelles. D’autres accords internationaux se sont multipliés entre les pays.
En Belgique, les accords de coproductions sont déjà nombreux (avec l’Allemagne, l’Italie, Israël, la Tunisie, le Canada, le Maroc, la Suisse, la France, le Portugal). Mais l’atout belge réside aussi dans le Tax shelter (litt. abri fiscal), incitant fiscal en place depuis 2003 et destiné à stimuler la production cinématographique grâce un mécanisme d’exonération(article 194 ter CIR). Concrètement, ce mécanisme permet à une société qui investi dans la production cinématographique de voir ses bénéfices exonérés à concurrence de 150% du montant de l’investissement. Elle va donc pouvoir récupérer environ la moitié de son investissement sous forme d’économie d’impôt. Cet avantage est conditionné par une obligation de dépense belge (90% des fonds investis), assurant ainsi des retombées pour l’ensemble des prestataires du secteur audiovisuel. Par une loi du 21 décembre 2009, cet incitant fiscal a en outre été élargi aux courts et moyens métrages.
Il a déjà pu bénéficier à de nombreux films tels « Coco avant Chanel », « le Petit Nicolas », « Mr Nobody ». Cet incitant à permis de compter sur la présence en Belgique de Sharon Stone lors du tournage de Largo Winch 2, de Catherine Deneuve et Gérard Depardieu pour film « Potiche », entièrement tourné en Belgique et soutenu financièrement par 50 entreprises belges à travers l’offre Tax shelter de Scope invest. Associé à la multiplication des coproductions internationales, il a ouvert la porte à de nombreux succès dont « hors la loi » de Rachid Bouchareb ou encore « Rien à déclarer », incontournable à l’affiche.
Le Tax Shelter représente pour l’instant un win-win pour l’industrie du cinéma, les investisseurs privés et l’Etat. Chacun y trouve son compte. Et puis, on se surprend de constater l’attrait qu’ont les grandes maisons de production étrangères pour la Belgique, son savoir faire (avec ses excellents techniciens, dessinateurs), ses couts de production et postproduction moindres, l’impôt belge limité pour les acteurs étrangers en tournage chez nous, nos paysages ainsi tout ce qui fait de notre pays un lieu accueillant et divertissant.
Sur cette belle note en ces temps moroses, osons le dire…vive le cinéma « belge » ou « belgo… » !