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Les artistes-interprètes : mal-aimés du droit ?

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La bande-son est indissociable de l’œuvre audiovisuelle à laquelle elle se rapporte. La signature du contrat conclu entre un artiste-interprète et un producteur pour la réalisation d’une oeuvre audiovisuelle vaut autorisation de fixer, reproduire et communiquer au public la prestation de l’artiste-interprète. La Cour de cassation revient ainsi, en assemblée plénière, sur son arrêt de 2013.

L’institut national de l’audiovisuel (l’INA) est un établissement public de l’Etat à caractère industriel et commercial ; créé par la loi du 7 août 1974, il est “chargé de conserver et de mettre en valeur le patrimoine audiovisuel national”.

Il détient ainsi les droits et responsabilités des producteurs télévisuels publics successifs, et notamment de l’Office de radiodiffusion-télévision française (l’ORTF).

Ce dernier a produit et diffusé, en 1968, une représentation télévisée de la comédie-ballet “Le Bourgeois gentilhomme”, texte de Molière, musique de Lulli.

L’INA a envisagé, en 1999, d’exploiter cette oeuvre sous forme de vidéogramme, puis en a cédé les droits exclusifs de commercialisation sous cette forme, et l’oeuvre a ainsi été éditée en 2003.

La Société de perception et de distribution des droits des artistes-interprètes de la musique et de la danse (la Spedidam), qui se consacre à la perception et à la répartition des droits des artistes-interprètes, estimant qu’une rémunération était due à ses sociétaires à raison de cette fixation de l’oeuvre sur un support nouveau, a judiciairement agi afin d’obtenir le paiement des sommes dues à chacun des musiciens ayant contribué à l’enregistrement de sa partie sonore.

Le tribunal de grande instance de Créteil l’a déboutée de ses prétentions et la cour d’appel de Paris a, sur ce point, confirmé ce jugement, en retenant :

  • que l’accompagnement musical n’est aucunement séparable de l’oeuvre audiovisuelle mais en est partie prenante, dès lors que son enregistrement est effectué pour sonoriser les séquences animées d’images et constituer ainsi la bande-son de l’oeuvre audiovisuelle,
  • et que la feuille de présence signée, lors de l’enregistrement, par chacun des musiciens constitue un contrat conclu entre un artiste-interprète et un producteur pour la réalisation d’une oeuvre audiovisuelle emportant l’autorisation, au bénéfice de ce dernier, de fixer, reproduire et communiquer au public la prestation de l’artiste-interprète.

Cet arrêt a été cassé, la Cour de cassation énonçant que “ne constitue pas un contrat conclu pour la réalisation d’une oeuvre audiovisuelle le contrat souscrit par chacun des interprètes d’une composition musicale destinée à figurer dans la bande sonore de l’oeuvre audiovisuelle”, pour en déduire qu’en se déterminant par les motifs précités, la cour d’appel avait, en réalité, refusé d’appliquer l’article L. 212-3 du code de la propriété intellectuelle, et faussement appliqué l’article L. 212-4 de ce code (Civ. 1ère, 29 mai 2013, pourvoi n° Y 12-16.583, Bull. Civ. I, n° 113) .

Selon le premier de ces textes, “Sont soumises à l’autorisation écrite de l’artiste-interprète la fixation de sa prestation, sa reproduction et sa communication au public, ainsi que toute utilisation séparée du son et de l’image de la prestation lorsque celle-ci a été fixée à la fois pour le son et l’image ; cette autorisation et les rémunérations auxquelles elle donne lieu sont régies par les dispositions des articles L. 762-1 et L. 762-2 du code du travail, sous réserve des dispositions de l’article L. 212-6 du présent code”.

Et, selon le second, “La signature du contrat conclu entre un artiste-interprète et un producteur pour la réalisation d’une oeuvre audiovisuelle vaut autorisation de fixer, reproduire et communiquer au public la prestation de l’artiste-interprète ; ce contrat fixe une rémunération distincte pour chaque mode d’exploitation de l’oeuvre”.

La loi n° 85-660 du 3 juillet 1985, dont sont issus les articles L. 212-3 et L. 212-4 du code de la propriété intellectuelle, est applicable à l’exploitation de toute oeuvre audiovisuelle après le 1er janvier 1986, lors même que cette dernière a été réalisée avant cette date, de sorte que leur articulation était bien l’objet du débat, peu important que le contrat ait été conclu en 1968.

Cette articulation a donné lieu à des débats en doctrine, ainsi qu’à des divergences jurisprudentielles nombreuses.

C’est dans un tel contexte que l’arrêt de la première chambre civile a été rendu le 29 mai 2013.

La cour d’appel de Lyon, désignée comme juridiction de renvoi après cassation, s’est rebellée en retenant, comme la première cour d’appel et par des motifs similaires aux siens, que le contrat conclu, en son temps, entre l’ORTF et les musiciens d’orchestre, l’avait été “pour la réalisation d’une oeuvre audiovisuelle”. Au soutien de sa décision, elle relevait que la feuille de présence signée par les musiciens-interprètes indiquait que l’enregistrement était destiné à être utilisé pour la bande sonore de l’oeuvre audiovisuelle en cause, que celle-ci était réalisée par le “service de production dramatique” de l’ORTF en vue d’une diffusion à la télévision et que les musiciens étaient informés que la fixation de leur prestation était destinée à la réalisation de cette oeuvre audiovisuelle.

La Spedidam a formé, contre cet arrêt, un pourvoi dont l’examen a été renvoyé à l’assemblée plénière de la Cour de cassation en application de l’article L. 431-6 du code de l’organisation judiciaire.

Le 16 février 2018, l’assemblée plénière a rejeté ce pourvoi en approuvant la cour d’appel d’avoir déduit des éléments relevés par elle que la feuille de présence signée par les interprètes-musiciens constituait un contrat conclu avec le producteur entrant dans les prévisions de l’article L. 212-4 du code de la propriété intellectuelle et qu’en conséquence, l’INA n’avait pas à solliciter une autorisation pour l’exploitation de cette oeuvre sous une forme nouvelle.

Plus d’infos en lisant le rapport du conseiller rapporteur, et l’avis du premier avocat général, disponibles en annexe.

(source : notice explicative de la Cour de cassation)

Droit & Technologies

Annexes

Rapport du conseiller rapporteur

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Avis du Premier avocat général

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