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Après deux premières décisions judiciaires, les systèmes anti-copie sont à la croisée des chemins

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On le sait, depuis janvier 2002, Universal Music commercialise, en France, des CD audio protégés. BMG, Sony et EMI ont suivi. En Belgique également, le mouvement se généralise. Les mesures techniques de protection sont utilisées par les titulaires de droits afin de protéger leurs œuvres et enregistrements contre des utilisations non autorisées ; la technique…

On le sait, depuis janvier 2002, Universal Music commercialise, en France, des CD audio protégés. BMG, Sony et EMI ont suivi. En Belgique également, le mouvement se généralise.

Les mesures techniques de protection sont utilisées par les titulaires de droits afin de protéger leurs œuvres et enregistrements contre des utilisations non autorisées ; la technique la plus célèbre est le dispositif qui empêche de faire une copie d’un CD musical. Les SCMS ou Serial Copy Management Systems empêchent la réalisation des copies de l’œuvre au-delà d’un nombre autorisé par l’auteur — zéro, un, deux, … — puis la réalisation de nouvelles copies à partir d’une copie. Il faut aussi évoquer les recherches poursuivies par l’industrie musicale pour la création d’un format audio impossible à pirater ou à copier. Ce projet est dénommé Secure Digital Music Initiative. D’autres systèmes tendent d’empêcher de reproduire un CD sur un support numérique (clonage numérique), voire d’éviter la compression en fichiers prêts à circuler sur les réseaux.

On entend par « mesures techniques » toute technologie, dispositif ou composant qui est destiné à empêcher ou à limiter les actes non autorisés par le titulaire d’un droit d’auteur ou d’un droit voisin, par le moyen d’un code d’accès ou d’un procédé de protection, tel que le cryptage, le brouillage ou toute autre transformation de l’objet protégé ou d’un mécanisme de contrôle de copie (voir pour la définition complète l’article 6-3 de la Directive n° 2001/29/CE du 22 mai 2001 sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information, JOCE L 167/10 du 22 juin 2001).

Le background juridique

Juridiquement, deux droits s’affrontent.

  1. D’un côté, le droit parfaitement légitime des producteurs de protéger leurs produits contre les copies illégales.

    Du reste, la loi protège parfois expressément les procédés anti-copies. Ainsi, la directive sur l’harmonisation du droit d’auteur dans la société de l’information contient des dispositions spécifiques sur ce sujet à l’article 6.

    L’article 6, §1, de la directive énonce que « Les États membres prévoient une protection juridique appropriée contre le contournement de toute mesure technique efficace, que la personne effectue en sachant, ou en ayant des raisons valables de penser, qu’elle poursuit cet objectif ».

    L’article 6, §2, contraint les États membres de prévoir une protection juridique appropriée :

    « contre la fabrication, l’importation, la distribution, la vente, la location, la publicité en vue de la vente ou de la location, ou la possession à des fins commerciales de dispositifs, produits ou composants ou la prestation de services qui :

    1. font l’objet d’une promotion, d’une publicité ou d’une commercialisation, dans le but de contourner la protection, ou

    2. n’ont qu’un but commercial limité ou une utilisation limitée autre que de contourner la protection, ou

    3. sont principalement conçus, produits, adaptés ou réalisés dans le but de permettre ou de faciliter le contournement de la protection,

    de toute mesure technique efficace. »

    Sans faire une analyse détaillée, il faut souligner que : (i) l’interdiction vise non seulement les actes préparatoires mais également le contournement proprement dit des mesures techniques ; (ii) toute technique de neutralisation est visée à condition qu’elle soit « efficace » ; (iii) l’incrimination de l’acte est soumise à la présence d’un élément moral (savoir, ou avoir des raisons valables de penser que l’objectif poursuivi est la neutralisation non autorisée).

  2. D’un autre côté, les utilisateurs peuvent faire valoir leur droit, tout aussi légitime, à la copie privée. Celle-ci est spécifiquement et expressément consacrée dans la plupart des systèmes juridiques occidentaux, dont la France et la Belgique. Or, empêcher la copie signifie aussi empêcher la copie privée.

Les premières décisions

Le Conseil stratégique français des technologies de l’information (CSTI) a rendu public le 3 juillet 2003 un rapport [csti.pm.gouv.fr] relatif à certains aspects des droits numériques et notamment aux protections techniques contre le piratage et aux exceptions dans le cadre de l’enseignement et de la recherche.

Ce rapport fait, en particulier, état de l’accord de tous les membres (personnalités issues des secteurs de l’entreprise et de la recherche, choisies en fonction de leurs compétences) sur la nécessité d’avoir pour les auteurs une rémunération de leurs oeuvres. Cet avis, principe de base du droit d’auteur, est néanmoins mis en balance par le risque d’atteinte aux droits ou libertés du consommateur induit par la mise en œuvre de ces systèmes de gestion numérique. D’autres invitent à renforcer la protection préventive des œuvres sous peine de provoquer des dommages économiques considérables menaçant la diversité culturelle. En cela, ils estiment que l’exception de copie privée (…) n’est en aucun cas un droit de reproduction intégral et parfait d’une œuvre.

Au niveau jurisprudentiel, deux récentes décisions ont été prises par le Tribunal de grande instance de Nanterre.

La première date du 24 juin 2003 et porte sur l’action entreprise par la CLCV (Association Consommation Logement Cadre de Vie) contre EMI Music France à propos de l’illisibilité du CD « au fur et à mesure » de Liane Foly due à son système anti-copie incorporé.

L’association a basé le fondement de son action sur les articles L.421-1, L.121-1 et L.213-1 du code de la consommation. Les juges considérèrent cette action recevable au motif « qu’une disposition législative ou réglementaire entrant dans le champ d’application du droit de la consommation n’a pas été respectée » (l’association a donc un intérêt) et décidèrent que :

  • la présence d’un tel système anti-copie constitue une restriction au droit d’usage du consommateur, et ;

  • l’annonce, partielle, de la présence de ce système sur l’étiquetage trompe le consommateur sur l’aptitude à l’emploi de ces produits. Il s’agit d’une publicité mensongère et de manœuvres frauduleuses.

Cette décision met en exergue une faille importante des techniques anti-copie. Celles-ci sont la conséquence de la multiplication des contrefaçons, qui amènent les maisons de disque à protéger leurs droits. Cependant, plus la mesure technique est efficace, plus elle est vulnérable dans la mesure où elle limite la possibilité d’écoute du CD : de vieux appareils de lecture ou des appareils de certains types, seront incapables de lire le CD protégé pourtant légalement acquis dans le commerce. Juridiquement, le titulaire de droit présente donc une faiblesse dans la mesure où les avertissements que le droit de la consommation impose sont souvent très insuffisants.

Une seconde décision marquante a été rendue par le Tribunal de grande instance de Nanterre le 2 septembre 2003.

Il s’agissait d’une action formée par une consommatrice et l’UFC-Que choisir contre, à nouveau, la maison de disques EMI-France et la chaîne de distribution Auchan au sujet d’un disque d’Alain Souchon, cette fois, illisible sur un autoradio. La mise en place d’un dispositif technique limitant les possibilités de copie en était également la cause.

Le tribunal a, ici, balancé les intérêts en présence.

Il a reconnu que le CD d’Alain Souchon comportait une « anomalie qui restreint son utilisation et constitue un vice caché au sens de l’article 1641 du code civil », malgré le fait que la présence du dispositif technique était mentionnée sur le produit. L’avis du tribunal est qu’un CD doit pouvoir être audible sur tous supports. EMI-France a, en conséquence, été condamné à rembourser à la plaignante 9,50 euros, soit le prix du produit.

L’UFC-Que Choisir considère que cette décision concerne par principe tous les CD équipés d’un système de verrouillage les rendant ainsi inaudibles sur certains matériels. Dès lors, les consommateurs en possession de CD verrouillés et qui auraient rencontré des difficultés de lecture, sont en droit de faire jouer la garantie légale des vices cachés (articles 1641 et suivants du Code civil) en demandant le remboursement de leur CD, son échange contre un CD non verrouillé ou encore une diminution du prix auprès des maisons de disque. EMI Music France et les autres Majors doivent donc cesser d’utiliser ces systèmes de verrouillage pénalisant les consommateurs loyaux.

Mais, et on l’oublie parfois, le tribunal a aussi jugé irrecevable l’action de l’UFC visant à interdire à EMI-France d’utiliser une « mesure technique de protection ». Pour l’industrie du disque, c’est là l’essentiel.

Toutefois, selon Le Monde, cette situation pourrait bientôt changer. Son édition du 5 septembre 2003 signale que : « L’UFC et la maison de disques Warner doivent se retrouver au tribunal à propos d’un disque « protégé » de Phil Collins. L’équipement concerne cette fois un ordinateur, et la plainte porte autant sur l’impossibilité de lecture que sur la possibilité offerte par la loi de bénéficier d’une copie privée. Julien Dourgnon, chargé de mission à l’UFC-Que choisir, attend que le tribunal dise enfin « si un ordinateur est un appareil -comme un autre- pour lire un CD ». Pour les majors, l’ordinateur sert d’abord à copier et à propager gratuitement de la musique. ».

Plus d’infos

En prenant connaissance de la décision du 24 juin 2003 (affaire Liane Foly), en ligne sur notre site (Source : Juriscom.net)

En prenant connaissance de la décision du 2 septembre 2003 (affaire Alain Souchon), en ligne sur notre site (Source : Juriscom.net)

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