An 2000 et contrat d’assurance : coup de théâtre à la cour d’appel !
Publié le 30/06/1999 par Etienne Wery
L’arrêt de la cour d’appel de Paris vient de jeter un fameux pavé dans la mare agitée du bogue de l’an 2000 face aux contrats d’assurance. Les faits Trésis et IPIB sont deux sociétés créées en 1991 et 1994, spécialisées dans les prestations informatiques, surtout dans le monde bancaire. Elles ont souscrit le 19 juin…
L’arrêt de la cour d’appel de Paris vient de jeter un fameux pavé dans la mare agitée du bogue de l’an 2000 face aux contrats d’assurance.
Les faits
Trésis et IPIB sont deux sociétés créées en 1991 et 1994, spécialisées dans les prestations informatiques, surtout dans le monde bancaire.
Elles ont souscrit le 19 juin 1996, à effet au 1er janvier 1996, un contrat d’assurances RC Professionnelle auprès de la compagnie Royal & Sun Alliance.
Par lettre du 13 octobre I998, la compagnie d’assurances a dénoncé le contrat susvisé aux deux sociétés avec effet au 31 décembre 1998, leur proposant toutefois de maintenir la couverture moyennant un avenant excluant « les conséquences pécuniaires de la responsabilité leur incombant du fait des dommages qui trouveraient leur origine dans un dysfonctionnement provenant ou affectant des matériels électroniques ou informatiques, ainsi que des programmes et données informatiques, dès lors que ce dysfonctionnement est imputable au codage de l’année. ».
Il n’est pas contesté que cette dénonciation, deux mois avant l’échéance annuelle du 31 décembre, est conforme au contrat et à la loi.
Trésis et IPIB ont cherché directement un nouvel assureur, mais il va de soi qu’aucune compagnie n’a accepté de couvrir ce risque à moins d’un an de la survenance éventuelle d’un sinistre. Certains clients de Trésis et IPIB, quoique entièrement satisfaits, leur signalé qu’ils mettraient un terme aux relations s’il n’y avait pas couverture an 2000 ; de leur côté ils veulent évidemment avoir en face d’eux une compagnie solvable en cas de sinistre.
Par voie de référé, les deux sociétés demandaient que les effets du contrat soient prorogés jusqu’à ce qu’elles aient pu souscrire un nouveau contrat.
L’ordonnance de référé du tribunal de commerce
Le 31 décembre 1998, le président du tribunal de commerce a rendu une ordonnance déboutant les demanderesses.
Pour le tribunal, l’assureur a respecté à la fois le contrat et la loi, et le magistrat de conclure qu’« il n’existe pas d’obligation d’assurer à charge des assureurs, sauf exception d’une loi, non présente en l’espèce.
Le président signale surabondamment que sa compétence limitée de juge des référés l’aurait de toute manière probablement empêché de prescrire une mesure qui ne lui apparaît pas réellement provisoire : « une prorogation d’assurance doit être stable et sure et nous ne pouvons créer que des situations temporaires.
L’arrêt de la cour d’appel
L’arrêt du 9 juin 1999 de la cour d’appel a apprécié la situation de manière radicalement différente.
Pour la cour le dommage imminent ne fait pas de doute, puisque :
« il est constant qu’en raison de la proximité de la date de réalisation possible du risque assuré, les deux sociétés se sont vues refuser, par les assureurs qu’elles ont contactés, la prise en charge de ce risque, lesdits assureurs refusant sur ce point tout nouvel assuré ; que cette absence de garantie compromet gravement leurs activités tant futures que passées, certaines entreprises ayant déjà fait connaître qu’en dépit de la satisfaction qu’elles tirent des prestations fournies, elles seraient amenées à mettre un terme aux relations contractuelles en raison de l’absence de couverture d’assurances ; que la conclusion des contrats nouveaux s’en trouve affectée. »
Abordant ensuite la légitimité de la dénonciation des contrats, la cour considère que nonobstant le respect des délais prévus au contrat et dans la loi, l’assureur ne pouvait agir de la sorte :
Qu’il convient cependant de relever que la compagnie d’assurance, lorsqu’elle a accepté d’assurer les deux sociétés, sur des déclarations dont la sincérité n’est pas en cause, connaissait parfaitement la nature exacte de l’activité développée par ces dernières ;
qu’elle n’ignorait pas, en 1996, comme l’ensemble des professionnels, les problèmes techniques que posait ou pourrait poser le passage à l’an 2000 pour l’ensemble des matériels informatiques et des prestataires de services, en raison du codage de l’année universellement adopté;
qu’elle n’en a pas moins, à cette époque, alors que le problème était d’ores et déjà connu, accepté de garantir lesdites sociétés pour leurs activités, les confortant dans leur projet d’entreprendre d’importants investissements afin de développer leurs activités et les incitant, manifestement, à ne pas se retourner vers d’autres assureurs concurrents;
Un pourvoi en cassation ne serait pas étonnant. Décidément, à l’approche de l’an 2000, la tension monte …
L’ordonnance et l’arrêt sont disponibles sur le site de Legalnet (faire une recherche sur « Trésis »).