Agent de voyages en ligne : un métier à risques !
Publié le 05/08/2007 par Thibault Verbiest, Ines Bellion
Déjà, la loi du 13 juillet 1992 mettait en place un régime lourd de responsabilité des agences de voyages. Elles répondent de leur propre fait mais aussi du fait de leurs prestataires de services. Cependant ce régime ne s’appliquait que pour la vente de forfait touristique et non pour la simple vente de titres de transport aérien. Seulement depuis la loi pour la confiance dans l’économie numérique (LEN) cette distinction n’est plus d’actualité. Elle aggrave donc la responsabilité des agences de voyages.
En cette période de vacances au cours de laquelle un plus grand nombre de personnes voyagent, il risque d’y avoir plus de « couacs » que d’habitude. Pas que le niveau de qualité descende, mais parce que les mathématiques ne sont jamais en congé : si l’on augmente le nombre de voyages, on augmente statistiquement le nombre de problèmes qui surgissent. Quelle est la responsabilité de l’agent de voyage, et de l’agent de voyage en ligne en particulier ?
L’activité d’agent de voyages rassemble différentes réalités.
Cette activité peut consister soit dans la vente d’un voyage, soit dans l’organisation d’un voyage ou les deux à la fois. De plus certaines agences de voyages n’opèrent que sur internet.
Quoi qu’il en soit, ils sont tous des commerçants et tombent sous le même régime : la loi du 13 juillet 1992 relative à l’organisation et à la vente de séjours et de voyages.
Pour pouvoir opérer sur le marché, le code du tourisme pose aux articles L.212-1 à L.212-3 une obligation de posséder une licence : « la vente ou l’organisation de séjours ou de voyages ne peut être effectuée dans un but lucratif que par des personnes physiques ou morales ayant la qualité de commerçants, titulaires d’une licence d’agents de voyages ».
Le régime général de responsabilité
La responsabilité du vendeur est posée à l’article 23 de la loi de 1992 codifié à l’article L.211-17 du code de tourisme.
L’article 23 dispose que toute personne physique ou morale est responsable de plein droit à l’égard de l’acheteur de la bonne exécution des obligations résultant du contrat, que ces obligations soient à exécuter par elle-même ou par d’autres prestataires de services, sans préjudice de son droit de recours contre ceux-ci.
Il est également prévu que la personne puisse s’exonérer de sa responsabilité en apportant la preuve que l’inexécution ou la mauvaise exécution du contrat est imputable:
• soit à l’acheteur
• soit au fait, imprévisible et insurmontable, d’un tiers étranger à la fourniture des prestations prévues au contrat
• soit à un cas de force majeure.
Ainsi le législateur retient un régime de présomption de responsabilité des agences de voyages. Il s’agit en plus d’un régime lourd puisqu’il englobe une présomption de responsabilité du fait personnel et du fait d’autrui. Ainsi, si un prestataire local n’exécute pas correctement le contrat, le client peut se retourner vers son agence de voyages pour lui demander réparation du préjudice subi.
La responsabilité des agences de voyages en ligne
L’article pertinent pour la vente de voyages en ligne est l’article 121-20-3 du code de la consommation. L’article reprend les mêmes obligations que pour les agences qui n’opèrent pas en ligne :
(…) Le professionnel est responsable de plein droit à l’égard du consommateur de la bonne exécution des obligations résultant du contrat conclu à distance, que ces obligations soient à exécuter par le professionnel qui a conclu ce contrat ou par d’autres prestataires de services, sans préjudice de son droit de recours contre ceux-ci.
Toutefois, il peut s’exonérer de tout ou partie de sa responsabilité en apportant la preuve que l’inexécution ou la mauvaise exécution du contrat est imputable, soit au consommateur, soit au fait, imprévisible et insurmontable, d’un tiers au contrat, soit à un cas de force majeure.
Ainsi comme pour les autres agences, les agences de voyages en ligne sont responsables de plein droit des dommages causés par les prestataires de services.
Cela permet donc au voyageur de rechercher la responsabilité de l’agence devant les tribunaux français plutôt que celle du prestataire étranger devant les juridictions étrangères compétentes. Les agences de voyages disposent par la suite d’une action récursoire à l’encontre du prestataire responsable.
Les exceptions
Cependant la loi de 1992 prévoit une exception à ce régime de responsabilité de plein droit. En effet l’article 24 de la loi dispose que : « Les dispositions de l’article 23 ne s’appliquent pas aux personnes physiques ou morales pour les opérations de réservation ou de vente n’entrant pas dans un forfait touristique, tel que défini à l’article 2, relatives soit à des titres de transport aérien, soit à d’autres titres de transport sur ligne régulière. ».
L’article 2 considère comme étant un forfait touristique la prestation résultant:
• de la combinaison préalable d’au moins deux opérations (le transport, le logement ou d’autres services touristiques non accessoires au transport ou au logement)
• et représentant une part significative dans le forfait (dépassant 24 heures ou incluant une nuitée, vendue ou offerte à la vente à un prix tout compris.)
Ainsi l’obligation de l’agence de voyages ne porte que sur la réservation ou la vente des titres de transport et ne voit sa responsabilité engagée que pour faute prouvée.
Seulement l’article 15 de la LEN ne prévoit pas cette exception.
En application de cette disposition de la loi pour la confiance dans l’économie numérique, le commerçant électronique est responsable de plein droit à l’égard du consommateur de la bonne exécution des obligations résultant du contrat le liant à celui-ci, que ces obligations soient exécutées par elle-même ou par d’autres prestataires de service.
Comment concilier les deux ? La question est posée et n’a pas encore trouvé de réponse en jurisprudence, créant une insécurité juridique au grand damne des agences de voyages.