Affaire Google : la CJCE a tranché
Publié le 22/03/2010 par Arnaud Dimeglio
Le 23 mars 2010, la CJCE a répondu aux questions préjudicielles de la Cour de cassation concernant la contrefaçon de marque dans Google du fait de l’achat de mots clefs par des annonceurs. La Cour émet trois solutions :
1) La contrefaçon de marque par l’annonceur
Selon la CJCE, peut être condamné sur le fondement de la contrefaçon de marque, l’annonceur qui fait de la publicité, à partir d’un mot clé identique à une marque et pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels ladite marque est enregistrée. La CJCE ajoute que cette contrefaçon a lieu lorsque ladite publicité ne permet pas, ou permet seulement difficilement à l’internaute moyen, de savoir si les produits ou les services visés par l’annonce proviennent du titulaire de la marque, d’une entreprise économiquement liée à celui-ci ou, au contraire, d’un tiers.
Dans ses conclusions du 22 septembre 2009, l’Avocat général avait quant à lui affirmé le contraire, en précisant que l’usage d’une marque par l’annonceur ne constituait pas en soi une contrefaçon de marque.
La CJCE inverse ainsi la solution préconisée par l’avocat général, et rejoint celle généralement admise jusqu’ici par les tribunaux.
En revanche, il semble qu’elle ait éludé la question de l’usage de marque non pas à l’identique mais de manière imitée, et l’usage de marque pour des produits ou services non pas identiques mais similaires à ceux visés dans l’acte d’enregistrement de la marque.
2) L’absence de contrefaçon de marque par Google
Concernant Google, la CJCE estime qu’il ne commet pas de contrefaçon de marque. En effet, selon la Cour, le prestataire d’un service de référencement sur Internet qui stocke en tant que mot clé un signe identique à une marque, et organise l’affichage d’annonces à partir de celui-ci, ne fait pas un usage de ce signe au sens du droit européen des marques.
Il en résulte que le fait pour la société Google d’offrir et de commercialiser des mots clefs identiques à des marques ne commet pas en soi de contrefaçon de marque.
A la différence de la précédente, cette solution rejoint les conclusions de l’Avocat général. Elle est en revanche contraire aux solutions ayant donné lieu aux affaires en cours, et la Cour de cassation devra par conséquent « casser » les arrêts entrepris qui concluent à la contrefaçon de marque par la société Google, et renvoyer devant une nouvelle Cour d’appel laquelle devra à nouveau statuer au regard de la décision rendue par la CJCE.
3) La qualité de fournisseur d’hébergement de Google
Selon enfin la CJCE, Google peut être qualifié de fournisseur d’hébergement dans la mesure où, en sa qualité de prestataire, il n’a pas joué un rôle actif dans la connaissance ou le contrôle des données stockées.
A l’instar de la première solution, cette décision est contraire à celle préconisée par l’Avocat Général, et la tendance jusque là observée par les tribunaux Français concernant le service Adwords de Google.
L’Avocat Général avait en effet considéré que le service Adwords de Google ne pouvait être qualifié de service d’hébergement, laissant ainsi la place à la condamnation de la société Google sur le fondement du droit commun.
Il ne convient pas pour autant d’en conclure que Google échapperait à toute responsabilité.
La Cour a pris soin en effet de préciser, dans son dernier attendu, que si un prestataire tel que Google prend connaissance du caractère illicite des données stockées, ou de l’activité illicite de l’annonceur, il doit promptement retirer ou rendre inaccessibles lesdites données. Dans ce cas, la responsabilité de la société Google pourrait donc être engagée.
Dans l’exposé de ses motifs, la Cour ajoute en outre qu’il convient de vérifier concrètement dans chaque cas, le rôle joué par l’intermédiaire dans la rédaction de l’annonce, ou dans l’établissement ou la sélection de mots clefs. Selon le rôle actif ou passif du prestataire sa responsabilité pourrait alors être ou non engagée.
La décision de la CJCE se démarque par conséquent des conclusions de l’Avocat général, et ouvre la porte à une interprétation large de la qualification de fournisseur d’hébergement. Reste maintenant à voir comment les juridictions françaises vont « transposer » ces solutions dans les contentieux en cours contre la société Google, et de manière générale, aux autres intermédiaires techniques.