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Affaire Arrrgh : la Cour de Cassation confirme le filtrage imposé aux FAI et l’interprétation de l’article 6.I.8 LCEN

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Article 6.I.8 LCEN:les FAI doivent être prêts à mettre en place des mesures de filtrage constitutives d’une obligation de moyen.

1. Contexte
Le rejet du pourvoi en cassation introduit par les FAI marque la fin du suspense dans l’affaire Arrrgh. La Cour suprême a confirmé la position de la Cour d’appel de Paris et celle tu TGI de Paris : en application de l’article 6.I.8 de la loi pour la confiance en l’économie numérique du 21 juin 2004 (LCEN), les FAI doivent être prêts à mettre en place des mesures de filtrage constitutives d’une obligation de moyen.

L’affaire remonte au 7 février 2005. Un site Internet contenant des propos négationnistes rédigés en français (Arrgh) était hébergé par des sociétés américaines.
Diverses associations françaises de lutte contre le racisme et l’antisémitisme avaient alors saisi le TGI de Paris en référé sur base de la LCEN.
Elles demandaient de reconnaître que les propos négationnistes constituent un trouble manifestement illicite engageant la responsabilité pénale et civile des hébergeurs selon l’article 6.I.2 et 6.I.3 de la loi. Elles demandaient encore aux hébergeurs de leur fournir les coordonnées des éditeurs du site selon l’article 6.II. Enfin, elles demandaient l’application de l’article 6.I.8. Cet article énonce : « L’autorité judiciaire peut prescrire en référé ou sur requête, à toute personne mentionnée au 2[les hébergeurs] ou, à défaut, à toute personne mentionnée au 1[les fournisseurs d’accès], toutes mesures propres à prévenir un dommage ou à faire cesser un dommage occasionné par le contenu d’un service de communication au public en ligne. »
Les associations demandaient donc de faire ordonner aux hébergeurs de prendre les mesures permettant l’arrêt de la publication en ligne du site Arrrgh. En cas d’inaction des hébergeurs, les associations demandaient également la réouverture des débats sous trente jours afin qu’il soit fait application du principe de subsidiarité contenu dans l’article 6.I.8 de la LCEN. C’était alors aux FAI de prendre les mesures permettant de faire cesser le dommage que constitue la mise en ligne de propos négationnistes.
Les hébergeurs américains ayant choisi de garder le silence, le Président du TGI avait alors ordonné aux FAI de « mettre en œuvre toutes mesures propres à interrompre l’accès à partir du territoire français au contenu du service de communication en ligne hébergé actuellement à l’adresse www.yho.org/aaargh ».

L’affaire avait fait grand bruit. En effet, c’était la première fois que le TGI de Paris faisait application de l’article 6.I.8. Et, selon les FAI, cette application présentait plusieurs problèmes juridiques et techniques, et impliquait des conséquences financières désastreuses pour leur modèle économique.

2. Les arguments des FAI sont inopérants

Le principe de subsidiarité
Le premier argument des FAI est centré sur le principe de subsidiarité de l’article 6.I.8.
Selon les FAI, le principe de subsidiarité ne peut jouer que lorsque le juge a épuisé toutes les possibilités d’atteindre l’hébergeur. Cette lecture est renforcée par le fait que seuls les hébergeurs peuvent engager leur responsabilité civile du fait des activités ou des informations stockées qu’ils mettent à la disposition du public en ligne (article 6.I.2 LCEN).
Selon la Cour d’Appel, il était clair que les hébergeurs américains ne se plieraient pas aux injonctions. Egalement, la Cour précise que le mécanisme d’injonction de l’article 6.I.8 est de permettre de, rapidement, faire cesser un dommage occasionné par les contenus d’un service de communication au public en ligne.
En conséquence, la Cour d’appel avait confirmé que le TGI avait parfaitement fait application du principe de subsidiarité en privilégiant une ordonnance susceptible de produire rapidement ses effets.
La Cour de Cassation a confirmé cette lecture de l’article 6.I.8 et son indépendance par rapport au principe de responsabilité de l’article 6.I.2 en énonçant « que la prescription de ces mesures n’est pas subordonnée à la mise en cause préalable des prestataires d’hébergement ».

Les problèmes techniques
Selon les FAI, le recours aux processus de filtrage est inefficace et impropre à empêcher l’accès à un site Internet pour quatre raisons.

  1. Il est impossible de circonscrire le filtrage avec précision, ce qui a pour conséquence collatérale de bloquer involontairement d’autres sites de façon disproportionnée.
  2. Il est facile de changer d’hébergeur de façon régulière, de telle sorte que le processus de filtrage efficace pour l’un ne l’est plus pour un autre.
  3. Il existe divers moyens techniques de contourner un filtrage mis en place.
  4. Les méthodes de filtrage sont onéreuses.

La Cour d’appel a balayé d’une main tous les arguments techniques en faisant remarquer que, quel que soit le degré d’imperfection des mesures à employer, celles-ci ont « le mérite de réduire, autant que faire ce peut en l’état actuel de la technique, l’accès des internautes à un site illicite ». Il s’agit donc d’une obligation de moyen.
Ceci est confirmé par le fait que le Président du TGI a laissé aux FAI le soin de recourir aux méthodes qu’ils jugeront les plus efficaces et leur a donné la possibilité après 10 jours de revenir vers lui pour lui faire connaître leurs difficultés.

Même si la rédaction du texte de l’article 6.I.8 laisse supposer que le juge doit au moins décrire une des mesures qu’il ordonne, le président du TGI a pris l’option de ne pas préciser une méthode technique potentiellement inefficace. Au contraire, il a privilégié l’efficacité du texte de loi et l’efficacité technique de la mesure ordonnée en laissant le soin aux FAI de déterminer les moyens les plus efficaces possibles.
Le caractère vague de l’injonction est donc à considérer comme une source d’opportunité pour les FAI et comme une source d’aboutissement du texte de loi. Tel est bien le but ultime de l’article 6.I.8. : prévenir ou faire cesser un dommage rapidement.

L’injonction en référé
Troisièmement, les FAI invoquaient le caractère temporel illimité de l’injonction rendue en référé.
La réponse est encore une fois cinglante : « le caractère provisoire de la décision…ne signifie pas que les mesures ordonnées soient nécessairement limitées dans le temps. » Plus encore, limiter dans le temps les mesures à choisir par les FAI serait priver l’ordonnance d’efficacité.
Devant le Cour de Cassation, les FAI invoquèrent que le caractère « définitif » de l’injonction portait « une atteinte manifestement disproportionnée à la liberté de communication au public par voie électronique en violation…de l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme ». Une dernière fois la Cour de Cassation confirma l’interprétation de la Cour d’Appel.

3. Conclusion
L’article 6.I.8 doit être utilisé à la lumière des critères de rapidité et d’efficacité. Ces critères respectent les principes de subsidiarité et de proportionnalité ainsi que les articles 6 et 10 de la Convention européenne des droits de l’homme.
Ainsi que l’énonçait la Cour d’appel de Paris, la procédure de l’article 6.I.8 est « conçue pour la prise rapide de mesures dictées par l’intérêt général ».

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