Acheter des bitcoins chez le buraliste ?
Publié le 07/12/2018 par Etienne Wery , Thibault Verbiest
Une société privée annonce un nouveau service permettant d’acheter ou vendre des bitcoins chez son buraliste. Si le projet se fait, ce sera sans le soutien des autorités. Dans un communiqué commun (fait rare), l’Autorité des marchés financiers, la Banque de France et l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution mettent en garde. L’initiative a de quoi interpeller.
Le communiqué est explicite :
« À la suite des annonces portant sur le projet formé par la société utilisant la dénomination KEPLERK de proposer un service d’achat/vente de bitcoins contre espèces avec le projet d’associer les buralistes à la commercialisation de ce service, l’Autorité des marchés financiers, la Banque de France et l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution rappellent les risques associés à un investissement sur ces actifs spéculatifs, peu adaptés aux profils d’investisseurs particuliers non avertis. L’AMF, la Banque de France et l’ACPR rappellent que l’achat/vente et l’investissement en Bitcoins s’effectuent à ce jour en dehors de tout marché réglementé.
Le Bitcoin est l’un des actifs, parfois qualifiés à tort de « monnaies » virtuelles ou « crypto-monnaies », qui existent actuellement dans le monde.
Il s’échange en ligne et n’est matérialisé par aucune pièce ou billet. Il ne bénéficie pas d’un cours légal contrairement aux monnaies émises par les banques centrales. Sa très grande volatilité est avérée et il existe également des risques de piratage des portefeuilles de bitcoins. Sa diffusion par une société anonyme, PAYSAFEBIT SASU au capital de 50000 euros, utilisant la dénomination commerciale KEPLERK, qui ne dispose d’aucune autorisation ni agrément par une autorité française ou étrangère, n’est pas de nature à fournir une quelconque garantie à la clientèle. La dénomination commerciale KEPLERK ne doit en outre pas porter à confusion avec des sociétés agréées en France telles que Kepler Cheuvreux ou Kepler capital markets qui n’ont aucun lien avec cette activité. »
Ce n’est pas la première fois que les autorités pointent du doigt les crypto-monnaies. On sait à quel point les Etats en ont peur. Nées de blockchain et de son côté libertaire (on décentralise, on supprime les registres centraux), les crypto-monnaies effrayent en raison de la difficulté de les contrôler.
Ce qui dérange ici, c’est de voir les 3 signataires dépasser leur mission d’information ou de régulation. Ils visent un projet précis, porté par une société privée identifiée, dans le but de perturber le projet en entretenant un discours tellement ambigu qu’il est dérangeant. Ce n’est plus de l’information générale.
Or, de deux choses l’une :
- Soit le projet viole une disposition légale et il appartient aux autorités de s’y opposer de toute leur force ;
- Soit le projet est licite et les autorités ne peuvent sortir de leur rôle d’information générale pour dénigrer de la sorte un opérateur précis ou son projet.
En particulier, la phrase suivante pose souci : « Sa diffusion par une société anonyme, PAYSAFEBIT SASU au capital de 50000 euros, utilisant la dénomination commerciale KEPLERK, qui ne dispose d’aucune autorisation ni agrément par une autorité française ou étrangère, n’est pas de nature à fournir une quelconque garantie à la clientèle. » Que signifie cette phrase ? Un agrément est-il requis ou non ? Si oui, il faut le dire et interdire toute initiative qui n’en dispose pas. Si non, les autorités engagent leur reponsabilité en donnant l’impression que l’absence d’agrément est un problème.
On préférait le premier communiqué de la Banque de France qui signalait plus objectivement que « contrairement à ce qui a été affirmé ce matin par certaines stations de radio, sans vérification préalable, aucune convention n’a été signée afin de permettre la vente de bitcoin dans les bureaux de tabac. Aucun accord n’est par ailleurs discuté ni envisagé sur le sujet. » C’est une information claire et objective, relative à la Banque de France et à une allégation précise.
Outre les risques d’actions judiciaires émanant de la société concernée, on relèvera surtout le côté alarmiste du communiqué qui semble indiquer le degré de panique : si le Bitcoin sort de l’internet pour pénétrer le monde réel via les buralistes, il pourrait réaliser une percée significative au niveau de son utilisation quotidienne. Peut-être est-ce cela qui inquiète ?
Plus d’infos ?
La vidéo de sensibilisation de l’AMF.
Le Focus n° 16 de la Banque de France relatif au Bitcoin.
Nos actus sur le Bitcoin.