Votre abonnement Netflix va vous suivre en vacances …
Publié le 12/03/2018 par Maud Cock
Vous partez en voyages d’affaires et redoutez de devoir attendre votre retour pour le prochain épisode de votre série ? Vous partez en week-end et voudriez écouter votre playlist Spotify en streaming en passant la frontière ? A partir de ce 1er avril, les résidents d’un Etat membre de l’UE pourront profiter de leurs abonnements de contenus en ligne lorsqu’ils se rendent dans un autre Etat membre à titre temporaire.
Le règlement 2017/1128/UE relatif à la portabilité transfrontalière des services de contenu en ligne dans le marché intérieur impose, en effet, aux fournisseurs de contenus en ligne payants à offrir, à leurs abonnés temporairement présents dans un autre Etat membre ( en vacances, voyages d’affaires etc…), d’accéder à et d’utiliser leur service de contenu en ligne comme si il était resté dans son Etat de résidence.
Cet accès doit être gratuit et répondre aux mêmes critères qu’à la « maison » : mêmes contenus, même nombre d’appareils, même nombre d’utilisateurs et mêmes fonctionnalités.
Une fiction juridique
Bénéficier à tout moment et à tout endroit d’un abonnement pour lequel on paie, ça parait logique et simple non ?
D’un point de vue juridique, cela ne l’est pas.
Ce n’est pas pour rien que des consommateur se voient souvent privés, lorsqu’ils se rendent à l’étranger, d’accéder aux contenus dont ils ont pourtant légalement acquis le droit d’accès en s’abonnant auprès d’un fournisseur : Netflix, Spotify, etc…
La transmission en linéaire ou à la demande (en streaming ou en téléchargement) des contenus par ces fournisseurs nécessite en effet qu’ils aient obtenu en amont l’autorisation des titulaires de droits concernés : auteurs, producteurs, organismes de radiodiffusion, artistes-interprètes etc…
En effet, pour pouvoir offrir un contenu dans toute l’UE, un fournisseur de contenus (Netflix, Spotify etc…) doit en obtenir l’autorisation des titulaires de droits (artistes interprètes, producteurs, auteurs etc..) et plus encore respecter la législation applicable dans l’ensemble des Etats membres. Au-delà de certaines situations ou les titulaires de droits cloisonnement eux-mêmes les marchés par le biais de licences exclusives (ex : En Belgique, telle série ne pourra être diffusée que par BeTV à l’exclusion de toute autre), ce cloisonnement s’explique notamment par le caractère territorial du droit d’auteur. Malgré de nombreux efforts, la matière n’est pas encore harmonisée. Il est donc parfois plus simple pour un fournisseur de géobloquer plutôt que garantir le respect des droits de diffusion dans un nombre important de pays.
Pour permettre d’améliorer l’offre faite aux consommateurs sans remettre en cause ces modèles de licence, le Règlement recourt à une fiction juridique : l’accès et l’utilisation du contenu en ligne sont réputés avoir lieu dans l’Etat membre de résidence de l’abonné.
Si, en ma qualité de résident belge abonné de Spotify, j’écoute ma playlist sur une plage en France pendant mes vacances, cette écoute sera réputée avoir lieu en Belgique. A ce titre, il n’est pas nécessaire pour Spotify d’avoir acquis en amont les droits pertinents en France.
Seuls les séjours temporaires sont visés. A ce titre, il incombe aux fournisseurs de contenus de vérifier l’Etat de résidence de l’abonné pour éviter les abus. Le règlement énumère à quels moyens de vérification auxquels le fournisseur peut avoir recours et dans quelle mesure ( contrat de fourniture Internet, informations de paiement, adresse IP etc…)
Une obligation
Cette « portabilité » transfrontalière est obligatoire pour les services de contenus en ligne fournis contre rémunération.
Pas question d’y déroger : ni dans le contrat titulaires de droits/fournisseurs de contenus en ligne ni dans le contrat fournisseurs de contenus/abonnés. Toute clause contraire sera inapplicable.
Un système d’opt-in est mis en place pour les services non payants.
Le règlement est applicable à partir du 1er avril 2018.
La portabilité transfrontalière n’est pas … un droit d’accès transfrontalier
En limitant ce bénéfice aux séjours temporaires, il n’est pas question pour un résidant belge de s’abonner à une offre uniquement destinée aux consommateurs français ou anglais…
Il ne s’agit pas ici pas question de remettre en cause la territorialité des droits. Il est donc toujours permis aux fournisseurs de contenus de cloisonner les marchés au sein de l’UE en différenciant leurs catalogues d’un Etat membre à l’autre….
Si cette mesure est encourageante pour la création vers un marché digital unique (Digital Single Market) , elle n’est donc pas la panacée…
On l’a vu avec notre actu du 8 mars 2018, cette situation aurait pu être résolue avec la très récente adoption du Règlement 2018/302 du parlement et du conseil européen visant à contrer le blocage géographique. Or, les contenus numériques en sont expressément exclus !
En savoir plus :
Notre actu du 8 mars
Le Règlement du 14 juin 2017 relatif à la portabilité transfrontalière des services de contenu en ligne dans le marché intérieur (en annexe).