1er mai 2004 : passage des marchés publics à l’ère électronique ?
Publié le 04/05/2004 par David De Roy
L’échéance du 1er mai 2004 ponctue d’une étape importante l’évolution vers la dématérialisation des procédures liées aux marchés publics ; c’est, en effet, à cette date qu’entre en vigueur l’arrêté royal du 18 février 2004 modifiant, en ce qui concerne l’interdiction d’accès à certains marchés et l’introduction de moyens électroniques, un certain nombre d’arrêtés royaux…
L’échéance du 1er mai 2004 ponctue d’une étape importante l’évolution vers la dématérialisation des procédures liées aux marchés publics ; c’est, en effet, à cette date qu’entre en vigueur l’arrêté royal du 18 février 2004 modifiant, en ce qui concerne l’interdiction d’accès à certains marchés et l’introduction de moyens électroniques, un certain nombre d’arrêtés royaux pris en exécution de la loi du 24 décembre 1993 relative aux marchés publics et à certains marchés de travaux, de fournitures et services . Ainsi que son intitulé le suggère, cet arrêté royal assure les aménagements qu’imposait l’ouverture des marchés publics aux nouvelles technologies de l’information et de la communication.
Contrairement au système français dans lequel la dématérialisation des procédures liées aux marchés publics a fait l’objet d’un corps de dispositions autonomes (Décret n° 2002-692 du 30 avril 2002 ), l’adaptation du droit belge des marchés publics aux NTIC est assurée par les modifications apportées aux dispositions déjà en vigueur, à savoir les arrêtés d’exécution de la loi du 24 décembre 1993 relative aux marchés publics et à certains marchés de travaux, de fournitures et de services. L’arrêté royal du 18 février 2004 vise, d’une part, à insérer des dispositions nouvelles, consacrées aux moyens électroniques et, d’autre part, à adapter quelques dispositions « anciennes » aux particularités des procédures dématérialisées.
Décisions et accords de principes
Les moyens électroniques ne pourront être utilisés pour la présentation et la transmission des candidatures et/ou offres que moyennant une décision préalable du pouvoir adjudicateur, qui en admet le principe (art. 81quater, § 1er, al.2, nouveau de l’arrêté royal du 8 janvier 1996 ).
Par ailleurs, le recours aux moyens électroniques pour les échanges ultérieurs entre le pouvoir adjudicateur et les candidats, soumissionnaires et/ou adjudicataires sera subordonné à un accord préalable entre les parties concernées. Cet accord précisera les modalités d’utilisation des moyens électroniques (art. 81quater, § 1er, al.4, nouveau de l’arrêté royal du 8 janvier 1996 ).
Enfin, l’utilisation de moyens électroniques ne saurait être imposée aux candidats et soumissionnaires, qui pourront ainsi, s’ils le souhaitent, rester fidèles aux supports et vecteurs d’information traditionnels (art. 81quater, § 1er, al.1er, nouveau de l’arrêté royal du 8 janvier 1996 ).
Exigences complémentaires
Au-delà des décisions et accords de principe évoqués ci-dessus, l’utilisation de moyens électroniques devra être conforme à certaines exigences tenant au type de signature électronique (signature électronique « qualifiée ») et aux garanties que doit afficher la passation des marchés publics, particulièrement en vue de sauvegarder (ou de promouvoir) le jeu effectif de la concurrence. Ces différentes exigences sont essentiellement énumérées à l’article 81ter, nouveau, de l’arrêté royal du 8 janvier 1996 , lequel dispose :
« Les moyens électroniques doivent au moins garantir :
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que la signature électronique est conforme aux règles du droit communautaire et du droit national relatives à la signature électronique avancée accompagnée d’un certificat qualifié et conçue au moyen d’un dispositif sécurisé de création de signature;
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que le moment exact de la réception par le destinataire est établi automatiquement dans un accusé de réception envoyé par des moyens électroniques. Ceci ne s’applique qu’aux envois effectués par des moyens électroniques;
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que l’intégrité des communications, des échanges et des stockages de données soit garantie;
- qu’il peut raisonnablement être assuré que personne ne peut avoir accès aux demandes de participation ou aux offres transmises avant la date limite fixée;
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qu’en cas de violation de cette interdiction d’accès, il peut raisonnablement être assuré que la violation est clairement détectable;
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que seules les personnes autorisées peuvent fixer ou modifier le moment exact de l’ouverture des données soumises;
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que seule l’action simultanée des personnes autorisées peut permettre l’accès à la date et à l’heure fixées à la totalité ou à une partie des données soumises lors des différents stades de la procédure;
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que les données relatives aux demandes de participation et aux offres soumises et ouvertes en application des présentes exigences ne demeurent accessibles qu’aux personnes autorisées à en prendre connaissance;
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que les outils à utiliser ainsi que leurs caractéristiques techniques, y compris pour le chiffrage éventuel, sont non discriminatoires et sont disponibles pour toutes les personnes intéressées. Ils sont décrits dans l’avis de marché ou dans le cahier spécial des charges;
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que tout écrit établi par des moyens électroniques dans lequel un virus informatique ou toute autre instruction nuisible sont détectés dans la version reçue peut faire l’objet d’un archivage de sécurité sans lecture de cet écrit. Ce document est alors réputé n’avoir jamais été reçu. L’expéditeur en est informé sans délai. Toutefois, s’il s’agit d’une demande de participation ou d’une offre et que celle-ci est considérée comme irrégulière, le candidat ou le soumissionnaire ne peut en être informé avant la date limite de réception.
Les conditions prévues aux 1° à 3° et 10° s’appliquent aux candidats, aux soumissionnaires et au pouvoir adjudicateur et celles prévues aux 4° à 9° s’appliquent au pouvoir adjudicateur pour les demandes de participation et les offres. »
Adaptation de quelques dispositions réglementaires aux procédures dématérialisées
Conduites dans un environnement dématérialisé, les procédures liées à la passation ou à l’exécution des marchés publics doivent nécessairement subir quelques adaptations qu’induisent les opportunités ou contraintes liées aux moyens électroniques. C’est à cette fin qu’ont notamment été modifiées les dispositions relatives à la signature des offres établies par les personnes morales ; aux modifications ou corrections des offres ; à l’envoi, au retrait et à l’ouverture des offres ; à la notification du choix de l’adjudicataire.
1er mai 2004 : vrai ou faux départ ?
Jetant les bases du régime juridique des procédures dématérialisées, l’arrêté royal du 18 février 2004 contribue assurément à la dématérialisation « en droit » des procédures liées aux marchés publics. L’entrée en vigueur de cet arrêté et des modifications qu’il apporte aux dispositions actuellement applicables ne suffira sans doute pas à assurer « en fait » cette évolution vers l’e-Procurement ?
Outre que la perspective de dématérialisation requiert la mise au point et la maîtrise de dispositifs techniques et de procédures répondant aux exigences réglementaires, il importe de noter dès maintenant que la transition vers l’e-Procurement ne peut raisonnablement se concevoir sans que soient écartés certains obstacles qui l’entravent ou, à tout le moins, la freinent. On songera notamment à l’absence de définition des modalités d’accès aux documents du marché ou au risque d’incompatibilité de certaines législations encadrant le fonctionnement des pouvoirs adjudicateurs avec le recours aux « téléprocédures ».
Plus d’infos ?
En prenant connaissance de l’arrêté royal, disponible sur notre site.
En consultant les références suivantes :
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Sur l’adaptation du droit belge des marchés publics aux nouvelles technologies de l’information et de la communication, on consultera notamment les travaux suivants :
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D. DE ROY, « La dématérialisation des procédures liées aux marchés publics : enjeux, défis et opportunités actuelles », Entr.Dr., 2001, pp. 326-334.
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D. DE ROY, « L’adaptation du droit des marchés publics aux nouvelles technologies : quelques repères », Entr. Dr., 2003, pp.351-359.
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D. DE ROY, « Vers des marchés publics « en ligne » ? L’arrêté royal du 18 février 2004 introduisant les moyens électroniques dans la législation relative aux marchés publics », à paraître dans Journ.Trib., 2004.
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H. JACQUEMIN, « Le formalisme des marchés publics à l’épreuve des technologies de l’information et de la communication : l’apport du droit civil »,à paraître dans C.D.P.K., 2004.
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Fr. WALSCHOT, « De contracten met de overheid en overheidsbedrijven : perspectieven. E-procurement: een eerste inleiding in overheidsopdrachten via elektronische weg”, Le droit des affaires en évolution. Le contrat sans papier. Tendensen in het bedrijfsrecht. Contracten zonder papier (e-contracts), Bruxelles-Anvers, Bruylant-Kluwer, 2003, pp.103-155.